«Dix ans de chaos et de corruption au plus haut niveau de gouvernance», voilà comment Mohamed Abbou, secrétaire général du Courant démocrate (Attayar), qualifie la période qui a succédé à la révolution tunisienne de 2011. Sorti de sa rencontre avec Hichem Mechichi, chef du gouvernement désigné, il a indiqué qu’il lui a suggéré de mettre en place une équipe gouvernementale pouvant imposer l’application de la loi, quitte à prendre le risque d’échouer à obtenir la confiance du Parlement.
Par Cherif Ben Younès
«La place de certains partis est dans les tribunaux pas le gouvernement», a encore lancé le ministre chargé de la Fonction publique, de la Gouvernance et de la Lutte contre la corruption, préférant ne pas citer ces partis, «par devoir de réserve», selon ses dires, tout en promettant de «tout révéler» une fois qu’il sera sorti du gouvernement.
Si on essaye de décoder les propos de Abbou, on pourrait penser que c’est à Ennahdha et Qalb Tounes qu’il fait allusion.
La place de certains dirigeants de partis est en prison
L’opposition d’Attayar à la participation de Qalb Tounes au gouvernement n’est pas quelque chose de nouveau, et est justifiée par le fait que le président de ce dernier, Nabil Karoui, est poursuivi en justice pour de sérieux soupçons de corruption financière.
Cela dit, on ne pourrait parler de «prise de risque» que si l’allié parlementaire de Qalb Tounes, le mouvement Ennahdha, était également mis à l’écart. Car le poids du parti de Karoui au sein de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) ne lui permet pas, à lui seul, de faire chuter un gouvernement.
Mohamed Abbou s’opposerait donc également à l’intégration du parti islamiste au prochain gouvernement et l’aurait déjà signifié, ce lundi 3 août, à Hichem Mechichi, à Dar Dhiafa, à Carthage.
D’ailleurs, la relation entre Attayar et Ennahdha s’est considérablement dégradée depuis le début de leur partenariat au sein du gouvernement Fakhfakh, à tel point que le bloc parlementaire du premier a lancé une motion de censure à l’encontre du chef du second, Rached Ghannouchi, pour le destituer de son poste de président du Parlement.
Ennahdha : 10 ans de gouvernement, «10 ans de corruption»
D’autre part, quand Abbou parle de «10 ans de corruption», il vise forcément Ennahdha qui est le dénominateur commun de tous les gouvernements de l’après-révolution.
L’autre élément qui donne du crédit à cette analyse est le fait qu’en décembre 2019, Attayar avait déposé une plainte judiciaire – et que cette dernière est toujours en cours – à l’encontre de Qalb Tounes, mais aussi d’Ennahdha, les accusant d’avoir eu recours à des méthodes illégales pour financer leurs campagnes électorales, notamment en recourant à des boîtes de lobbying au Canada, en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis, financées par des sources dont la provenance est louche.
Mohamed Abbou a, par ailleurs, souligné que Hichem Mechichi ne lui a pas encore répondu en ce qui concerne ses orientations politiques, et qu’il s’est contenté de l’écouter et de le rassurer quant à son intention d’appliquer la loi et de constituer un gouvernement capable de réaliser des résultats rapides.
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