Dans cette tribune, l’auteure présente quelques précisions pour éclairer les esprits et répondre aux interrogations légitimes des Tunisiens concernant la mission de l’Instance nationale de lutte contre la corruption (Inlucc).
Par Sémia Zouari *
Beaucoup de Tunisiens pensent, à tort, que l’Inlucc est une juridiction d’exception capable de se substituer à l’appareil judiciaire tunisien. Évidemment ce n’est pas le cas. Elle instruit les dossiers et les transmet aux juridictions compétentes après avoir fait quelques vérifications. Il y a, en effet, beaucoup de fausses accusations et d’allégations mensongères notamment dans le contexte des manipulations politiciennes visant l’élimination des rivaux et ennemis.
Ce sont d’ailleurs ces milliers de fausses affaires de corruption qui paralysent l’action de l’Inlucc et freinent son efficacité à l’encontre des véritables affaires de corruption. Cette situation est créée par ceux-là même qui veulent annihiler la lutte contre la corruption et décourager ses bonnes volontés. L’Inlucc ne devrait avoir que quelques dizaines de véritables grandes affaires de corruption brassant des montants importants.
Intox, contre-vérités et manipulations
Certaines pages sponsorisées ont noyé les réseaux sociaux d’allégations mensongères concernant l’Inlucc pour lui aliéner l’opinion publique et lui donner une image de mauvaise gestion.
Aucun cadre de l’Inlucc ne perçoit de salaire mirobolant comme cela a été avancé concernant une jeune femme cadre de l’Inlucc. Le président est rémunéré à un peu plus de 3000 DT par mois, équivalant au salaire d’un ministre
L’Inlucc n’a pas eu à acheter de voitures Mercedes. Elle les a reçues en don de la part de certains bailleurs de fonds étrangers et surtout de la Douane tunisienne qui redistribue sur les administrations tunisiennes les biens dont les droits de douane sont restés impayés et qui demeurent dans ses entrepôts au-delà des délais légaux.
Toutes les missions effectuées par le personnel de l’Inlucc, sur tout le territoire tunisien, et nécessitant l’utilisation de véhicules de service, se font avec un ordre de mission en bonne et due forme, selon la réglementation en vigueur. Personne ne dispose d’une voiture de fonction.
Le président de l’Inlucc ne peut citer nommément des personnes accusées de corruption car elles bénéficient de la présomption d’innocence jusqu’à ce qu’un jugement soit rendu concernant l’affaire où elles sont incriminées sachant que beaucoup d’affaires se révèlent être montées de toutes pièces en raison de rivalités de bas étage ou de délation gratuite.
L’Inlucc a joué un grand rôle dans l’adoption d’un cadre juridique pour la lutte contre la corruption : loi de déclaration du patrimoine des responsables publics et privés et loi de protection des lanceurs d’alerte. Elle a réalisé ce travail en collaboration avec le Conseil de l’Europe, la Commission de Venise, l’Union Européenne, le Programme Building Integrity de l’Otan et en s’inspirant des expériences des pays amis.
Le gouvernement a toujours eu le pied sur le frein
Chawki Tabib, son président récemment limogé par le chef de gouvernement de gestion des affaires courantes Elyes Fakhfakh, a été, avec Ahmed Zarrouk, le moteur de notre demande d’adhésion au Groupe des États contre la corruption (Greco). C’est la présidence du gouvernement qui a freiné ce processus vertueux et bloqué ainsi notre accès à une entraide judiciaire internationale pour la lutte contre la corruption.
S’il y a eu retard dans la lutte contre la corruption c’est au niveau des plus hautes sphères de l’Etat qu’il faut exiger une réelle volonté politique d’agir en faveur de la transparence et de l’intégrité. N’oublions pas comment Abid Briki avait été limogé et son ministère de la Bonne Gouvernance supprimé lorsqu’il avait montré trop de zèle dans sa lutte contre la corruption.
Chawki Tabib ne s’accroche pas désespérément à son poste. Il a un mandat de 6 ans. Il n’est pas candidat à l’Ibogolucc, l’instance constitutionnelle devant succéder à l’Inlucc et dont la mise en place est bloquée par l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) et les partis qui n’ont pas intérêt à voir une véritable instance indépendante de lutte contre la corruption.
En espérant avoir apporté quelques précisions utiles en réponse à l’avalanche d’intox qui a inondé les réseaux sociaux pour discréditer M. Tabib et l’équipe de l’Inlucc auxquels je renouvelle toute ma solidarité et mon estime.
* Diplomate.
Donnez votre avis