Pir Sultan Abdal est un poète turc alévi du XVIe siècle, né dans le village de Banaz, dans la province de Sivas en Anatolie, sa date de naissance demeure un mystère. En 1560, les autorités ottomanes le font arrêter et exécuter par pendaison. Il est traduit du turc par Gérard Chaliand.
Ce qui est connu de la vie de Pir Sultan Abdal de son vrai nom Ali Hayder relève de sa légende qui lui a survécu des siècles après son décès. Il a vécu la plus grande partie de son existence dans le village de Banaz, dans le district de Yıldızeli de la province de Sivas en Anatolie centrale, à l’époque du règne de Süleyman 1er surnommé Soliman le Magnifique et du Shah d’Iran Tâhmasb 1er.
Suivant la légende transmise par la poésie alévie, la famille de Pir Sultan serait originaire du Yémen et descendrait du petit fils de l’Imam Ali, le quatrième Imam Zeynel-Abidin. La famille se serait ensuite installée à Sivas, dans la région de la Yıldız Dağ.
Alors qu’il a sept ans et qu’il garde les troupeaux de son père dans la montagne, Haydar fait un rêve. Il voit un vieil homme à barbe blanche qui l’interpelle : il s’agit du saint Hacı Bektaş Veli, fondateur du bektashisme. Le bektashisme est un ordre religieux ésotérique (batinite), issu de la mouvance soufi de l’islam à l’origine même de nombreux autres ordres batinites (ghulat) et considéré comme une branche du chiisme car ses adeptes montrent un intérêt particulier pour l’Imam Ali Ibn Abi Talib. Hacı Bektaş Veli lui donne le nom de Pir Sultan et lui prédit qu’il deviendra un poète en quête de vérité.
Accusé d’avoir participé à un soulèvement soutenu par le Shah d’Iran et de s’être livré à des activités d’espionnage pour le compte de celui-ci, il aurait été pendu à Sivas par le gouverneur ottoman Hızır Paşa.
Ne te détourne point en me voyant
je ne cesserai de t’aimer
ne fronce pas l’arc de tes sourcils
ce n’est pas ta faute mais la mienne
sur ta langue et tes lèvres il y a du miel
mon désir s’est posé sur ta rose en bourgeon
tu es une sultane tu dictes les arrêts
ce procès entre nous comment pouvais-je le gagner ?
je n’irai pas sur les plateaux sans toi
je ne dirai pas ton secret dans les barrières
j’ai beaucoup péché je ne le nie pas
mes deux mains sont tachées de sang rouge.
Je me suis promené avec maints seigneurs et m’en suis lassé
j’ai ruisselé le sang pollué et je suis redevenu limpide
j’ai étreint plus d’une belle comme toi
mais ton amour est resté dans mon cœur
Je suis Pir Sultan Abdal et je dis
il est coutume que les amants aiment les belles
deviendrait-on criminel pour avoir aimé ?
Alors ma tête tranchée est déjà sur ma selle.
Je suis venu en ce monde trompeur et je le quitte
mon âme je n’ai pu trouver d’amante plus pure que toi
je me suis blessé et j’ai baigné dans le sang rouge
je n’ai trouvé personne pour laver le sang de mes mains
Celui qui est beau n’a que faire de l’or
le sage saura se procurer le meilleur bagage
j’ai contemplé le jardin de mon corps
je n’ai pu trouver de grenades vierges pour l’Ami
Le destin m’a brisé les bras et les ailes
je me suis tenu comme le hibou dans les ruines
aujourd’hui j’ai pris le poignet de trois belles
aucune n’a voulu dire : je me sacrifierai pour toi
Je suis Pir Sultan Abdal, si je pouvais être les montagnes
si je pouvais être les vignes parsemées de jacinthes mauves
si je pouvais être abeille dans un monde de fleurs :
Je n’ai pu trouver miel plus doux que les mots de l’Ami.
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