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Le poème du dimanche: ‘‘Encore’’ de Wislawa Szymborska

Poétesse polonaise, prix Nobel de littérature en 1996, Wisława Szymborska, née le 2 juillet 1923 dans le village de Prowent et décédée le 1er février 2012 à Cracovie en Pologne. Ce présent poème est traduit du polonais par Christophe Jezewski et Isabelle Macor-Filarska.

En 1931, la famille de Wisława Szymborska déménage de Toruń à Cracovie alors qu’elle a 8 ans. À Cracovie, elle fréquente un collège d’élite, tenu par des Ursulines et fermé par les Nazis dès 1939, de sorte qu’elle passe le baccalauréat dans la clandestinité. Elle commence en 1945 des études de langue et de littérature polonaises avant de s’orienter vers la sociologie à l’Université Jagellonne de Cracovie. Elle s’y implique bientôt dans les cercles de création littéraire locaux. Elle rencontre Czesław Miłosz et subit son influence.

En mars 1945, Wisława Szymborska publie son premier poème ‘‘Szukam słowa’’ (Je cherche des mots) dans le quotidien Dziennik Polski. Ses poèmes continuent à être publiés dans divers journaux et périodiques pendant un certain nombre d’années. En 1948, ses mauvaises conditions financières la contraignent à abandonner ses études sans avoir obtenu de diplôme. La même année, elle épouse le poète Adam Włodek dont elle divorce en 1954 cependant ils conservent des relations étroites jusqu’à la mort de Włodek en 1986. Le couple n’a pas d’enfants. À l’époque, elle travaille comme secrétaire pour un magazine bimensuel d’éducation et comme illustratrice.

Son premier livre aurait dû être publié en 1949, mais ne passe pas le cap de la censure car il «ne répond pas aux exigences socialistes». Au début de sa carrière, cependant, et comme beaucoup d’autres intellectuels dans la Pologne de l’après-guerre, elle adhère à l’idéologie officielle de la République populaire de Pologne.

Membre du parti ouvrier unifié polonais (communiste) au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, Wisława Szymborska s’en éloigne au cours des années 1950 en fréquentant certains milieux dissidents comme ceux de la revue ‘‘Kultura’’, éditée à Paris. Elle quitte finalement le parti en 1966.

Si ses deux premiers recueils sont d’inspiration communiste, les suivants sont plus personnels. Elle rejette a posteriori ses textes de jeunesse trop assujettis, selon elle, aux impératifs du réalisme socialiste. Son œuvre est traduite, connue et appréciée en Allemagne.

En 1996, la poétesse est couronnée du prix Nobel de littérature, décerné selon la motivation exprimée par l’Académie suédoise, «pour une poésie qui, avec une précision ironique, permet au contexte historique et biologique de se manifester en fragments de vérité humaine.» Cette reconnaissance permet de mettre en lumière, sur le plan international, une œuvre poétique relativement méconnue en dehors de la scène germano-polonaise.

Dans les wagons plombés
Des prénoms traversent la contrée,
Mais jusqu’où ils voyageront,
Si un jour ils en descendront,
Je n’en sais, je ne vous dirai rien.

Prénom Nathan cogne contre la cloison,
prénom Isaac hurle et chante sa folie,
prénom Sarah pour deux gouttes d’eau supplie,
puisque se meurt de soif le prénom Aaron.

Ne saute pas dans le vide, prénom David.
Ce prénom te flétrit pour la vie,
Ce prénom on ne le donne à personne,
C’est trop lourd à porter par ici.

Que ton fils porte un nom slave et blond,
Car ici, chaque cheveu on recense
Car ici on sépare le bon grain de l’ivraie
D’après tes paupières et d’après ton prénom.

Ne saute pas. Que ton fils s’appelle Lech.
Ne saute pas. Ce n’est pas encore l’heure.
Ne saute pas. La nuit rit aux éclats,
Et ricanent les wagons sur la voie.

Un nuage humain passe sur le pays,
Grand nuage, et une larme pour toute pluie,
Petite pluie, rien qu’une larme, quelle sécheresse.
Et les rails dans le noir disparaissent.

C’est comme ça – fait la roue. Pas de clairière.
C’est comme ça – train de cris à travers bois.
C’est comme ça – dans la nuit, je l’entends.
C’est comme ça – le silence cogne le silence.

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