Au lieu de régler ses comptes avec Mohsen Marzouk, Taïeb Baccouche aurait été plus inspiré de se concentrer sur l’état déplorable de la diplomatie tunisienne.
Par Farhat Othman
C’est en tant qu’ancien diplomate, écarté abusivement de mon métier par l’ancien régime et réclamant encore mes droits de revenir servir mon pays, que je me permets de m’adresser ici au ministre des Affaires étrangères.
Il vient, en effet, de tenir des propos pour le moins peu diplomatiques alors qu’il est censé donner l’exemple en cet art de la finesse et l’éthique qu’est d’abord la diplomatie. (Lire dans Kapitalis : Baccouche accuse Marzouk de diplomatie parallèle)
De la vraie diplomatie
En mélangeant des considérations politiques à la diplomatie, M. Baccouche ne sert ni l’une, qu’il rabaisse à la politique politicienne sinon à la politicaillerie, ni surtout la seconde dont il fait un succédané de la politique sans ses lettres de noblesse.
Qu’est-ce que la diplomatie sinon l’art du tact et de l’habileté dans les relations avec autrui, cet autre soi-même ?
Il est vrai que le terme, étymologiquement, dérive du latin postmédiéval «diplomaticus» qui signifie «relatif à un document officiel» et du latin impérial «diploma»: document officiel.
Or, cette définition basique est juste valable pour ceux qui commencent en ce domaine, comme d’apprendre l’abécédaire à un analphabète.
Tout l’art de la diplomatie est ailleurs que dans ce qui est officiel, ce qu’un document rend public et qui ne traduit que le travail informel en amont qui peut nécessiter des années de labeur pour aboutir en une épiphanie de haute et fine diplomatie.
Tous les diplomates chevronnés le diront : la vraie diplomatie est informelle, cette activité que M. Baccouche qualifie de parallèle et qui est comme la marge, décentrée, négligée pour qui considère la chose en se focalisant sur son centre, alors qu’elle en est l’axe même tenant l’ensemble.
De la noblesse de la politique
Voici ce que semble reprocher M. Baccouche à Mohsen Marzouk, son compagnon de route d’hier qui n’a fait que militer, non pas au sens étymologique et actuellement en vigueur de «faire la guerre» (emprunt au latin classique «militare») mais de celui qu’emporte l’art diplomatique élevé à son plus haut degré d’instruire, puisque le document qui est dans l’étymologie de la diplomatie a justement un tel sens (dérivant du latin classique documentum, «ce qui sert à instruire»; du latin classique «docere»: instruire).
Or, c’est la vraie politique correspondant à la vraie diplomatie ! Agir ainsi de la part de tout un chacun, y compris parmi les plus humbles des Tunisiens, c’est servir la Tunisie, la sauver de la destinée qui lui veulent certains, une roue de secours pour un néolibéralisme ensauvagé.
Alors, un peu moins de politique politicienne, M. Baccouche ! Au lieu de reprocher à M. Marzouk de servir le pays, concentrez-vous sur l’état déplorable de votre département en rendant par exemple leurs droits aux diplomates, dont je suis.
Mais au-delà de mon cas, pensez donc à ces compétences chevronnées mises à l’écart du métier qui pourraient rendre rapidement son honneur perdu à notre diplomatie.
Or, elles sont contraintes aujourd’hui de faire de la diplomatie informelle et non parallèle, pour servir notre pays desservi par nombre de ses enfants disposant du pouvoir formel.
C’est ce qui fait l’exception Tunisie: cette abnégation de ses patriotes même et surtout hors des allées du pouvoir dont on sait la terrible puissance dont disposent ses délices pour détourner du seul chemin de la vraie politique et de la diplomatie utile : celui de l’éthique de ce que je nomme «poléthique».
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