La première de ‘‘Bik n3ich’’ (De toi, je vis) a été donnée, le jeudi 24 décembre 2015, à l’espace El-Teatro, en présence d’un grand nombre d’amoureux du 4e art.
Par Fawz Ben Ali
Le premier cycle de présentations de ce monodrame, mis en scène par Naoufel Azara, joué par Hassen El-Gharbi et écrit par les deux artistes, a d’ailleurs été donné dans ce même espace.
Un tandem de talent
Acteur, dramaturge et metteur en scène, Naoufel Azara nous a habitués à des textes forts, toujours ancrés dans l’actualité, et des mises en scènes finement élaborées, comme en témoignent ses nombreuses créations tels que ‘‘Si… Da m’était conté’’ (2010), ‘‘Lettre à mon seigneur’’ (2011), ‘‘Cherche Saadia désespérément’’ (2012). Un talent et des succès qui lui ont permis de collaborer avec les plus grandes figures du théâtre tunisien comme Taoufik Jebali dans ‘‘L’isoloir’’ et ‘‘Danse avec le singe’’.
Hassen El Gharbi (Ph. Fawz Ben Ali).
Pour sa dernière création, Naoufel Azara a misé sur un jeune acteur qu’il a formé lui-même dans le cadre des formations d’art dramatique à l’espace El-Teatro. «Hassen El Gharbi a été choisi pour son talent mais aussi pour son imagination, son intelligence et sa modestie», explique Naoufel Azara.
D’ailleurs Hassen El-Gharbi a été à la hauteur de ce challenge, celui de porter le monodrame durant un peu plus d’une heure et demie, sans temps mort, gérant l’espace grâce à une belle présence scénique, une grande technicité et une énergie débordante. Agile dans sa gestuelle et expressif dans ses regards, Hassen El-Gharbi porte en lui tous les visages de ce pays avec un humour et un charisme saisissants.
Les tribulations d’un revenant confronté à une réalité austère et intraitable (Ph. Fawz Ben Ali).
L’impossible intégration
Après une expatriation de vingt ans durant lesquels il a vécu en tant qu’artiste de cabaret et acteur de cinéma, le personnage central de la pièce décide de rentrer à son pays natal, «le pays des merveilles», dit-il, portant en lui le rêve de changer la réalité et les mentalités grâce à un projet sociétal moderne et progressiste en vue d’un monde meilleur, un projet alimenté simplement par son imagination qu’il considère la clé de toute réussite, citant Marquis de Sade: «Le bonheur des hommes est dans l’imagination».
Cependant, dès son arrivée à l’aéroport, il est reçu par «La Haute Instance des Réfugiés et Retournés» qui lui fait subir un test d’intégration afin de s’assurer que la personnalité et les pensées de ce nouvel arrivé soient bien adaptées à la réalité nationale. Le test est réussi, Hassen est laissé en liberté mais sous surveillance. C’est alors que commencent les tribulations du personnage qui se trouve confronté à une réalité austère et intraitable où tout le monde est hostile à son projet.
Le spectateur se trouve dès lors dans des situations tragi-comiques avec le personnage, qui, entre humour et gravité, essaie tant bien que mal de s’en sortir. On en rit mais on réfléchit aussi beaucoup sur notre présent qui se dessine devant nous dans toute sa grossièreté.
Situations tragi-comiques avec un personnage tiraillé entre humour et gravité.
Après un long combat d’intégration dans son nouvel environnement aussi bien étrange qu’étranger, Hassen prend conscience du degré de son déracinement et de son aliénation, se rendant à l’évidence de son échec, il crie alors de toutes ses forces : «J’abandonne, j’abandonne!».
‘‘Bik n3ich’’ est une réflexion sur l’humanité à portée locale, mettant encore et toujours en évidence le rôle que joue le théâtre dans tout combat citoyen.
Un moment de pur bonheur théâtral nous est offert par l’auteur et metteur en scène Naoufel Azara et le jeune comédien prometteur Hassen El-Gharbi.
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