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Interdite d’entrée en Tunisie, Safia Lebdi s’adresse à Caid Essebsi

Safia Lebdi- Les Insoumises-

L’activiste Safia Lebdi, interdite d’entrée en Tunisie «pour des raisons sécuritaires», a envoyé un courrier au président tunisien pour lui demander des explications.

C’est ce qu’a déclaré la militante féministe laïque sur sa page Facebook après avoir reçu, le 29 décembre 2015, une réponse du consulat de France à Tunis, lui annonçant que le ministère tunisien des Affaires étrangères a justifié cette interdiction d’entrée en Tunisie par «des raisons sécuritaires».

La militante et membre du collectif les « Insoumis-es » avait déjà été refoulée, en octobre 2013, par les autorités douanières sans aucune explication. Cela s’est reproduit en octobre 2015… Safia Lebdi a donc adressé un courrier au président de la république, Béji Caïd Essebsi, que nous publions ci-dessous:

«Monsieur le Président,

Voilà deux fois que j’essaye de me rendre en Tunisie et me trouve refoulée par les autorités douanières sans aucune explication.

Ayant demandé à l’ambassade de France d’intervenir, je reçois confirmation que je suis effectivement « interdite de séjour en Tunisie » pour des motifs de « sécurité ». Comprenez que je m’en inquiète… En quoi ma personne représenterait-elle un danger pour la Tunisie ou pour quiconque ?

Je suis une militante féministe française, mais aussi internationaliste, ce pourquoi d’ailleurs j’ai tenté de me rendre en Tunisie à répétition et souhaite toujours le faire. Le féminisme serait-il un danger pour la sécurité tunisienne ?

Vous savez, au contraire, Monsieur le Président, combien le combat pour la liberté des femmes fait partie intégrante du patrimoine tunisien, et on ne peut ici que rendre hommage au fondateur de la République tunisienne, Habib Bourguiba, pour avoir institué un des régimes juridiques les plus modernes, accordant aux femmes une égalité des droits inconnue dans nombre d’autres pays, en particulier dans le monde arabe.

C’est aussi en tant que femme maghrébine, que je vous écris aujourd’hui. Comment pouvez-vous accepter de brader l’héritage progressiste de votre pays, à l’heure où le combat pour la liberté des femmes est devenu central dans le monde arabe, cette liberté étant si violemment remise en cause par des fondamentalistes religieux qui osent proposer une interprétation des textes si contraire aux nécessaires évolutions de nos sociétés vers le respect de tous et de toutes ?

Permettez que j’en profite ici pour vous demander de réviser votre position sur l’article 230 du code pénal tunisien qui pénalise l’homosexualité et dont on a pu voir récemment la scandaleuse application, condamnant à de lourdes de peines de prison des hommes qui ne seraient « coupables » que d’avoir aimé d’autres hommes. Il faut abroger cet article indigne qui n’est simplement pas compatible avec l’esprit progressiste de la constitution tunisienne, ni avec la volonté populaire d’en finir avec ces restes d’une mentalité rétrograde que c’est de votre responsabilité de faire évoluer, en vous inspirant du courage qui a pu animer l’action de Bourguiba en son temps.

Et puis, Monsieur le Président, que dire de la confusion entretenue par mon interdiction de séjour entre une activité militante légitime en vue de faire avancer le droit et la société pour que la dignité de tous soit enfin reconnue – conformément aux objectifs de votre révolution –, avec des personnes qui peuvent effectivement menacer gravement la sécurité en tuant des innocents à coups de mitraillettes?

Les nécessités de la sécurité sont aujourd’hui une chose trop sérieuse pour que les Etats, en France comme en Tunisie, s’abaissent à profiter de la circonstance pour s’en prendre à des citoyens pacifiques qui n’ont le tort que de vouloir le meilleur pour les hommes comme pour les femmes, pour les homosexuels comme pour les fumeurs de cannabis…

Ainsi, Monsieur le Président, pour toutes ces raisons, je vous demande de faire le nécessaire pour que soit abrogée la mesure d’interdiction de séjour du territoire tunisien qui vise gratuitement ma modeste personne.

Respectueusement

Notons que lundi dernier, la Tunisie dénonçait l’interdiction d’entrée en Egypte de l’universitaire et écrivaine tunisienne Amel Grami, refoulée samedi au Caire. Le ministère des Affaires étrangères tunisien a même indiqué que cet «incident est humiliant pour tous les intellectuels tunisiens».

Y. N.

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