Après l’Inde (plus de 300.000 nouveaux cas et près de 2000 morts en une journée), où les crématoriums sont, paraît-il, débordés, et où l’oxygène manque, la pandémie de la Covid-19 en Tunisie est en train de prendre la tournure apocalyptique depuis longtemps prédite et annoncée.
Par Dr Mounir Hanablia *
Il est vrai que notre population ne fait que la moitié de celle de la seule ville de Bombay (Mumbai pour les nationalistes hindous). Déterminer les responsabilités dans la situation que nous traversons n’est pas la priorité. Quand viendra le temps de le faire, une énième loi de la réconciliation nous en dispensera.
Notre pays a pris l’habitude d’être réfractaire à toute forme collective d’effort ou de discipline, et personne ne désire le mécontenter avec un petit mois de confinement, même s’il en va de sa survie. On nous a asséné que la situation économique ne le permettait pas, alors même qu’elle permet que les hôpitaux publics fonctionnent dans la rupture dans les conditions que tout le monde connaît, et que les établissements privés continuent «à faire des affaires».
Une nouvelle variante du virus isolée à Manouba chez six patients
Les partis, autant au pouvoir que dans l’opposition, avaient il n’y a pas si longtemps multiplié les meetings politiques, et les pouvoirs publics, si tant est qu’on puisse toujours les qualifier ainsi, après avoir levé les restrictions aux voyages au mois de mai dernier, une décision prise par l’ex-chef de gouvernement Elyès Fakhfakh, ne font rien, sous le règne de son successeur, Hichem Mechichi, pour imposer le respect des règles de distanciation sociale ou le port des masques, même si la vaccination a débuté, dans des proportions encore trop modestes pour influer sur le cours de la maladie.
Mais là n’est plus la question. Celle-ci concerne désormais la nouvelle variante du virus isolée à Manouba chez six patients, différente de l’Anglaise. Qu’elle soit celle résistante à tous les vaccins, si le virus est porteur de la mutation E484K dite Eeek, est bien possible. Les choses étant ainsi, le premier réflexe des autorités aurait dû être d’isoler le nouveau foyer, c’est-à-dire d’assujettir au confinement obligatoire l’ensemble de la commune ou du gouvernorat, en en assurant le ravitaillement, suivant en cela les procédures adoptées par de nombreux pays, en particulier l’Angleterre. Il n’en a rien été. Le résultat est là encore prévisible : le pays déjà submergé par la dernière vague va être dans des délais très brefs confronté d’une manière massive à une nouvelle réalité épidémiologique dont on ignore encore tout.
Il est vrai qu’avec la flambée des prix dont celle du carburant accompagnant celle de la pandémie, quelques dizaines de milliers de morts de plus, et qu’on mettra sur le compte de la volonté divine, valent sans doute mieux que des émeutes contre le confinement, dont pourrait bénéficier le président Kais Saied.
Une flambée peut toujours opportunément en cacher une autre
Certes, une flambée peut toujours opportunément en cacher une autre. En attendant, la politique de demi-mesures en matière de lutte contre la pandémie, suivie par un gouvernement «en état de réanimation», n’aboutira qu’à un résultat également prévisible, la mise en quarantaine du pays par l’ensemble de la communauté internationale. On en comprendra peut être mieux les conséquences quand il n’y aura plus aucun vol en partance ou à destination de la Tunisie. D’ores et déjà le Maroc, pourtant un pays frère, nous a claqué la porte au nez. Et il est douteux que le label «foyer pandémique», que l’on traînera pendant des années comme une casserole, soit du meilleur effet pour attirer les insaisissables investisseurs étrangers qu’on nous promet depuis longtemps comme la Lune. Staline disait que des millions de morts, ce n’était après tout que de la statistique. On pourrait ajouter que les notes souveraines ne soient, non plus, rien d’autres que des classifications.
* Médecin de libre pratique.
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