De par le monde, les banques centrales publient leurs rapports annuels à temps, soit 3 à 4 mois après la fin de l’année. Alors que quasiment toutes les banques centrales ont publié leur rapport d’activité pour l’année 2020 (depuis mars 2021), la Banque centrale de Tunisie (BCT) garde le secret et tarde à rendre public le sien.
Par Moktar Lamari *
Que cache-t-on aux opérateurs économiques, notamment pour les organismes internationaux et les agences de notation ?
Certains se demandent si une telle asymétrie d’information n’est pas volontaire justement pour couvrir un bilan déjà catastrophique pour le gouvernement Mechichi (sortant) et la coalition politique qui a télécommandé ses politiques et ses errements.
D’autres vont jusqu’à dire qu’un tel retard vise principalement à compliquer la vie du gouvernement Najla Bouden? Voire même du président Kais Saied… ayant polarisé tous les pouvoirs entre ses mains, depuis peu… constatant le chaos au sommet des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire…
Un inexplicable black-out informationnel
Dans tous les cas, ce black-out informationnel est intriguant et porte à croire que la BCT est en passe de se mêler les pédales confondant indépendance et transparence!
Comme toutes les autres banques centrales, la BCT détient un pouvoir considérable à l’égard de l’économie et de ses déterminants. Elle a pour mandat de créer les conditions propices à la stabilité économique et financière. Ses outils font partie des politiques monétaires, c’est à dire les décisions relatives à la valeur du dinar, la fixation de la quantité de monnaie en circulation dans l’économie et les mesures à prendre pour assurer la stabilité de l’inflation.
De manière concrète, la BCT doit agir rationnellement pour fixer les taux d’intérêt; émettre des dinars, réglementer des taux de change; baliser le fonctionnement du système bancaires et financiers, surtout en situation d’urgence ou de crise, comme c’est le cas en Tunisie depuis quelques années et particulièrement depuis l’avènement de pandémie de la Covid-19.
Détenant un pouvoir considérable, la BCT doit gérer ses missions de façon à arriver à un juste équilibre entre d’un côté l’obligation de rendre des comptes aux citoyens et investisseurs et de l’autre maintenir l’indépendance de ses décisions vis à vis des influences politiques et autres lobbies omniprésents dans les rouages du système monétaire et financier.
Un juste équilibre entre indépendance et transparence
Cinq ans après l’institutionnalisation de l’indépendance de BCT, la gouvernance de l’institution d’émission ne semble pas trouver ce juste équilibre entre indépendance et transparence, deux principes concurrents, parfois conflictuels… et la politique n’est pas loin, si Marouane El-Abassi doit présenter rapidement le Rapport annuel de la BCT, pour 2020!
La BCT a un devoir de transparence, devoir pour indiquer entre autres, les ficelles de la corruption, les leviers des détournements des prêts internationaux… les recoins de l’évasion fiscale et du blanchiment de l’argent sale des politiciens et des partis ripoux.
L’indépendance de la BCT ne peut qu’être renforcée par plus de transparence et plus de reddition de comptes.
La BCT doit faire moins de politique politicienne pour assumer et honorer son indépendance. Elle doit renouveler son conseil d’administration, notamment pour dissiper les doutes et rétablir la juste valeur du taux d’intérêt directeur, trop élevé…
Les ratings des agences de notation sont aux aguets… Les économistes intègres aussi!
À bon entendeur, salut!
* Economiste universitaire, Canada.
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