Dans ce billet «Choses vues», l’auteur pose un problème qui mérite notre attention : les responsables nous rebattent tout le temps les oreilles par la fameuse «siyada el-wataniya» (souveraineté nationale), mais la respectent-ils vraiment eux-mêmes. Et d’abord à travers les symboles de la nation, dont le libérateur de la Tunisie et son premier président de la République : Habib Bourguiba ?
Par Samir Gharbi *
Il ne s’agit pas de n’importe lequel, c’est le drapeau rouge et blanc, c’est Habib Bourguiba en personne…
Il ne s’agit pas de n’importe où, c’est l’aéroport international de Monastir-Habib Bourguiba qui est concerné…
J’écoutais avant-hier le président de la République, Kaïs Saïed (2019-2024), le 4e depuis 1957, après Béji Caïd Essebsi (2014-2019), Zine El Abidine Ben Ali (1987-2010) et Habib Bourguiba (1957-1987).
Kaïs Saïed parlait au Conseil des ministres et disait en particulier ceci : «Nos corps (celui des patriotes) sont partie de cette Nation».
Le corps d’Habib Bourguiba en fait partie. Et, par conséquent, tout ce qui le symbolise aussi…
Hier, je me trouvais à attendre devant l’entrée de l’aérogare de Monastir-Habib Bourguiba. Et j’ai remarqué, à l’écart sur la gauche, le buste «brillant» (peinture or) du Leader de la Nation. Plus je m’approchais, plus j’étais sidéré…
Je découvre une statue, placée au centre d’une place qui fut autrefois entourée d’un jet d’eau. C’est ahurissant. Quoi? Le buste de Bourguiba baignait autour d’une flaque d’eau insalubre, semée de détritus…
Voir les photos à l’appui.
Le gestionnaire de l’aéroport est connu, TAV (holding turc), avec un bail accordé en 2007 pour une durée de 40 ans (fin en 2047).
TAV brasse des millions de dinars chaque mois. L’entretien de ce buste de Bourguiba et de sa place coûte au maximum 100 dinars par mois…
Alors pourquoi cette négligence?
L’explication n’est pas financière, mais politique, volontaire, car des dizaines de hauts responsables tunisiens et turcs passent chaque jour par cet endroit, sans parler du personnel de l’aéroport (agents de police, des douanes, d’entretien…) et des compagnies aériennes… Aucune personne n’a pensé utile de lever le petit doigt et la voix pour dire : «Ça ne va pas ! On ne peut laisser le buste de Bourguiba dans cet état lamentable, indigne de la TAV, des autorités locales (gouverneur de la région, maire de la ville), indigne de l’Etat tunisien et de la »siyada wataniya »».
Alors, je le fais aujourd’hui à leur place, en espérant que quelqu’un de raisonnable mette fin à cette atteinte à la dignité de la Tunisie.
Les photos sont trompeuses : le buste apparaît géant, mais il est en fait minuscule : hauteur 30-35 cm; largeur 25-30. De devant l’aérogare, il est à peine visible pour les visiteurs qui attendent les arrivées. Et il est invisible des partants. Outre donc l’absence d’entretien, il y a la taille riquiqui du buste qui fait problème. On dresse un symbole pour être «vu», pas pour être occulté. Il a été fabriqué probablement en stuc ou en plâtre (sur un moule) avec une peinture imitation dorée. L’intention de ceux qui ont conçu le buste n’était pas en fait de donner une «image» positive du leader Bourguiba, mais de la rapetisser… Heureusement, que l’Aéroport porte toujours le nom de Habib Bourguiba.
* Ancien journaliste basé à Paris.
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