Dans un discours prononcé dimanche soir, 1er mai 2022, à l’occasion de la célébration simultanée de l’Aïd Al-Fitr et de la fête du travail, le président Kaïs Saïed est à nouveau monté sur ses grands chevaux et, en guise de vœux aux Tunisiens, à tous les Tunisiens sans exception, il s’est lancé, plus martial que jamais, dans une série de menaces et d’anathèmes à l’encontre de ses opposants qu’il a qualifiés d’ennemis de l’Etat et du peuple.
Par Imed Bahri
Le chef de l’Etat, dont le discours avait été précédé par une grande campagne de teasing dans les réseaux sociaux, n’a rien annoncé de vraiment nouveau. Les Tunisiens, qui espéraient l’annonce de mesures importantes concernant l’amélioration de leur vie quotidienne, en ont eu pour leurs frais.
Fermement déterminé à mettre en route son projet politique personnel, M. Saied a annoncé la formation d’un haut comité qui sera mandaté pour préparer la mise en place d’une Nouvelle république dans les meilleurs délais, conformément au décret présidentiel portant sur les mesures exceptionnelles proclamées le 25 juillet dernier. Ce haut comité axera son travail sur des questions et des orientations aux contours clairs, a-t-il souligné et il sera composé de deux sous-comités. L’un sera chargé des questions liées au dialogue national et sera composé des quatre organisations nationales, qu’il n’a pas nommées. On peut cependant deviner qu’il s’agit de l’Union générale tunisienne du travail (UGTT), l’Union tunisienne de l’industrie, du commerce et de l’artisanat (Utica), l’Ordre national des avocats (Onat) et le Ligue tunisienne de défense des droits de l’homme (LTDH).
Des ronds dans l’eau
L’annonce de la constitution de ce haut comité, qui sera composé, on le devine aussi, de certaines personnalités proches du président Saïed ou qui soutiennent son projet politique, n’est pas un scoop, puisqu’elle a déjà été faite en plusieurs occasion. C’est à croire que M. Saied n’est pas pressé ou qu’il a du mal à faire avancer le son chmilblick et qu’il continue de faire des ronds dans l’eau.
Ce qui n’est pas nouveau non plus, c’est l’annonce un tantinet martiale et belliqueuse que le dialogue national projeté sera «différent» des précédents, comme l’a assuré le président de la république, soulignant qu’il ne sera ouvert qu’à ceux qui ont «embrassé» le processus correctif engagé le 25 juillet. Ceux qui ont vendu leur conscience, qui sont «dépourvus de patriotisme» et qui ont continué à «porter atteinte, affamer et maltraiter le peuple tunisien» ne seront pas présents à ce dialogue, a précisé le chef de l’Etat, qui se réserve, bien entendu, le droit de désigner lui-même ces traitres à la nation. Si cela rassure beaucoup de partisans de M. Saïed, ses opposants sont en droit de nourrir quelque inquiétude face à une pareille posture où l’intransigeance le dispute à la rigidité.
Toujours au registre du déjà dit, l’annonce que les travaux dudit haut comité – qui porteront sur le projet de nouveau système politique – seront basés sur les recommandations et propositions formulées par le peuple à travers la consultation nationale numérique à laquelle ont pris part, faut-il le rappeler, 500 000 citoyens, soit moins de 7% des Tunisiens. Le projet issu de ces travaux, dont on peut d’ores et déjà douter de la représentativité et de l’impartialité, sera soumis au référendum qui aura lieu, a promis le président, à la date déjà fixée, à savoir le 25 juillet prochain.*
Un président déjà dans l’Histoire
Cependant, si les Tunisiens, qui ont bien d’autres chats à fouetter et n’ont pas la tête à suivre l’ancien professeur de droit constitutionnel dans son délire juridique, ne participeront pas en grand nombre au dit référendum, ou si, pire encore, ils seront plus de 50% à répondre à la question qui leur sera posée par un non catégorique, quelle serait la réaction de M. Saïed ? Démissionnerait-il de son poste, comme l’exigerait un pareil camouflet?
Le locataire du palais de Carthage, qui aime poser devant l’Histoire, et se donne pour mission de fonder une Nouvelle république (pas moins!), n’a pas le temps de se poser pareille question. Car il a le peuple pour lui, comme ne cessent de le lui susurrer les sondages d’opinion. Et peut-être aussi l’Eternité.
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