Le 6 avril 2016, seize années sont passées depuis la mort de Habib Bourguiba, le Combattant Suprême, celui qui a beaucoup mieux servi l’islam que tous les islamistes.
Par Farhat Othman
Il y a seize ans, le 6 avril, Bourguiba a quitté la vie après l’indignité qui lui a été faite au naufrage de l’âge. Si ce dernier peut être inévitable, la condition humaine l’imposant, l’indignité qui l’a accompagné n’est toutefois pas fatale et elle doit donc moins ternir l’image du grand disparu que ceux qui lui ont fait subir l’innommable ainsi que leurs complices les ayant soutenus par leur silence coupable.
Aujourd’hui, certains parmi ceux-là, mais aussi ses anciens détracteurs, chantent les louanges du Combattant Suprême, cherchant à travestir leurs turpitudes passées en délaissant le grand homme dans sa cruelle solitude ou en vilipendant son action salutaire pour la Tunisie.
Ainsi est la politique quand elle se limite à sa version antique, ses adeptes n’en faisant pas une poléthique, y introduisant l’éthique, seule en mesure de la valoriser, lui donner ses lettres de noblesse!
À la veille de la célébration du départ du plus grand homme de l’histoire qui a fait notre pays ainsi qu’il est, avec ses lumières cachées et ses ombres évidentes, osons donc en parler autrement en rappelant une part capitale de sa lumière.
C’est celle qui, justement, a contrebalancé sa part d’ombre, faisant en sorte que l’ouvre de Bourguiba soit aujourd’hui encore plus éclatante en ce temps d’obscurités et d’obscurantisme.
Le sens véritable de «Combattant Suprême»
Combattant Suprême, Bourguiba le fut assurément, mais non par la conception galvaudée et fausse de militant patriote selon la vision étriquée héritée de la guerre de libération nationale.
Combattant Suprême, Bourguiba l’était du fait qu’il a osé dire ce qu’était le vrai jihad en islam, ce «jihad akbar», effort maximal sur soi pour s’anoblir, s’élever en dignité. C’est ainsi qu’a été la vie de Bourguiba et son action pour libérer son peuple d’une religiosité de charlatans voulant contrôler la société et émasculer ses élans de liberté.
Combattant Suprême, Bourguiba fut donc le premier et vrai jihadiste tunisien; celui qui a eu une saine lecture de l’islam, osant libérer la femme ou déclarer que le jeûne n’était nullement une obligation absolue, et surtout pas une pure ostentation ou un biais pour faillir aux devoirs patriotiques de travailler dur au service de la société et du pays, quitte à ne pas jeûner, faire ramadan.
Au vrai, Bourguiba eut une conception juste de l’islam qui ne prohibe justement pas la consommation d’alcool qui n’y est pas interdite, l’ivresse seule l’étant, particulièrement pour faire la prière.
Voilà ce que fut la vraie signification de ce titre qu’on lui a donné et qu’il n’a honoré qu’à moitié, hélas, faut-il le reconnaître, n’osant pas aller jusqu’à réaliser la parfaite égalité entre les sexes en matière successorale, par exemple, ou abolir des lois scélérates, survivance de la morale judéo-chrétienne de la colonisation, telle l’abolition de l’homophobie nullement interdite en islam.
Le pari moderniste et émancipateur de Bourguiba a payé.
Comment honorer aujourd’hui Bourguiba?
Ce fut le tort d’un Bourguiba trop imbu de sa personne, ayant l’égo surdimensionné, croyant ne pas être rattrapé par l’âge et disposer de tout son temps pour finir son oeuvre grandiose. Aussi, à son corps défendant, il a permis au beau fruit de la Tunisie d’être vérolé. Et on en voit le résultat avec la terrible confusion des valeurs dont souffre le pays.
Car elle a fini par permettre un tragique retour en arrière manquant d’emporter l’oeuvre bourguibienne même ! Et c’est elle qui est la cause dont on ne parle pas qui fait que la jeunesse tunisienne, pourtant mature du fait du pari moderniste de Bourguiba, s’en souciant en l’éduquant, use mal de cette maturité pour revendiquer le droit d’être traitée en adulte, quitte à le faire en usant des voies extrémistes à laquelle la contraignent les lois injustes de sa patrie.
Aussi l’oeuvre bourguibienne en matière de révolution mentale est-elle à reprendre au plus vite pour célébrer à bon escient sa mémoire ! À cet égard, il est impératif de rappeler qu’il était moins Combattant suprême en termes de combat nationaliste, que suprême combattant au sens religieux.
Aussi faudra-t-il désormais dire qu’il a été le Jihadiste Suprême, meilleur serviteur de l’islam par une juste et saine lecture de ses préceptes de tolérance et de pais. Ce qui impose de reprendre son oeuvre de rénovation de notre lecture de l’islam pour le préserver de la religiosité galopante qui en défigure beauté et universalité.
Pour ce faire, quel plus bel hommage rendra-t-on à Bourguiba, Jihadiste Suprême, qu’en osant présenter sans plus tarder des projets de loi dans le sens de son combat salutaire, instaurant immédiatement l’égalité successorale entre les sexes, abolissant l’homophobie, dépénalisant la consommation du cannabis, autorisant la vente et le commerce d’alcool?
C’est ainsi et ainsi seulement que l’on honorera la mémoire du Jihadiste Suprême que fut Bourguiba tout en combattant le terrorisme mental des salafistes, faux musulmans, ne relevant que de la religion judéo-chrétienne (les fameuses «Israilyet»), et qui sont tout autant religieux que profanes.
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