Il ne faut pas se fier aux postures et même aux déclarations des politiciens, qui font souvent de la surenchère sur les questions liées à l’immigration. En réalité, l’Europe a grand besoin de main d’œuvre immigrée même si elle ne le dit pas clairement.
Par Imed Bahri
En France, par exemple, où l’extrême droite est fortement représentée à l’Assemblée, le gouvernement a récemment dévoilé les grandes lignes de son projet de loi sur l’immigration, qui sera examiné début 2023.
Parmi les mesures prévues par cette loi qui sera sur les devants de l’actualité au cours des semaines prochaines, la régularisation de travailleurs sans-papiers pour lutter contre la pénurie de main-d’œuvre, mesure qui existe déjà depuis une quinzaine d’années sous le nom d’«admission exceptionnelle au séjour», rapportent les médias français.
La France manque de bras
Le titre de séjour «métiers sous tension» permettra de régulariser un travailleur sans-papiers, déjà présent en France, qui évolue dans un secteur en manque de bras, rapportent les médias, ajoutant que le processus d’admission exceptionnelle au séjour, ou de régularisation exceptionnelle par le travail, bénéficiera à toute personne en situation irrégulière qui fait la demande de titre de séjour salarié et qui prouve qu’il va travailler dans un secteur en tension. La liste de ces secteurs devant être actualisée en fonction des régions.
Le demandeur de titre de séjour doit aussi se prévaloir d’un contrat de travail ou d’une promesse d’embauche, tout en justifiant d’une ancienneté de séjour et de travail en France.
Même si cette procédure de «régularisation par le travail» reste assez risquée pour l’immigré sans papiers, car elle met en lumière son irrégularité, alors que rien n’est automatique, qu’une longue liste de justificatifs doit être fournie et que les réponses se feront au cas par cas, en cas de feu vert de la préfecture, un titre de séjour sera effectivement remis à la personne jusque-là en situation irrégulière qui en fera la demande, au risque de se voir rapatrier.
En 2019, un peu moins de 8 000 titres de séjour ont été délivrés dans le cadre de ces procédures exceptionnelles, lesquelles vont être affinées afin d’être plus efficaces et permettre un nombre plus importants de régularisations.
«Il faut que le travail redevienne un facteur d’intégration et d’émancipation», a déclaré le ministre français du Travail, Olivier Dussopt, dans un entretien avec le journal Le Monde, le 2 novembre. «Les organisations professionnelles nous disent qu’elles ont besoin qu’on facilite le recrutement d’étrangers. Nous leur proposons des solutions avec ce projet de loi», a-t-il ajouté.
De la poudre aux yeux
On comprend dès lors que la Première ministre française chargée de la Planification écologique et énergétique, Elisabeth Borne, ancienne ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Insertion, qui est donc très familiarisée avec cette problématique, ait décidé de confier ce dossier prioritaire au ministre du Travail. Elle essaie ainsi de «refroidir» les ardeurs anti-immigration de son ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, dont la politique de durcissement affichée à l’égard de l’immigration ne serait que de la poudre aux yeux, car elle cache mal un besoin urgent de régularisation massive des sans-papiers.
Parmi les secteurs très demandeurs de main d’œuvre en France, il y a, comme toujours, le bâtiment, mais aussi l’agriculture où les besoins sont chiffrés à 70.000. Et cette situation n’est pas spécifique à la France.
En Italie aussi, où l’extrême-droite est déjà au pouvoir, et qui se caractérise par une population vieillissante, certains secteurs sont en quête de bras pour travailler. En fait, ce sont les organisations patronales européennes qui pressent les gouvernements à régulariser les sans-papiers. Mais c’est aussi l’Union européenne, car, pour Bruxelles, l’Europe serait en 2050 une maison de retraite à ciel ouvert et il faudrait une immigration massive pour remédier à cette situation.
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