Des citoyens font la queue pour remplir leurs bidons à la fontaine publique.
Les Tunisiens commencent à prendre conscience d’un grave problème structurel qui pourrait hypothéquer leur avenir : la rareté des ressources en eau.
Par Chedly Mamoghli *
Oublions un peu la composition du gouvernement en cours de constitution par le chef de gouvernement désigné Youssef Chahed, Ennahdha qui veut avoir une bonne part dans ce gouvernement ou encore l’affairiste Slim Riahi qui veut devenir ministre de la Bonne gouvernance et de la Lutte contre la corruption. Il y a une question, beaucoup plus importante, aujourd’hui, en Tunisie, qui est celle du manque de l’eau, qui atteint le niveau de la pénurie dans certaines régions du pays.
Rareté des ressources hydriques
Les coupures d’eau fréquentes et la qualité de l’eau potable qui se détériore (couleur, odeur…) alimentent une vague de mécontentement dans certaines régions. Il y a même eu des protestations et des citoyens excédés par la soif qui ont bloqué des routes. Personne, aujourd’hui, ne peut nier l’existence de problématiques liées au manque d’eau en Tunisie. Faut-il que les quartiers dits huppés de la capitale en soient enfin touchés pour que l’on prenne vraiment conscience que la situation est préoccupante.
Mercredi soir, il y a eu un débat télévisé sur la chaîne publique Al-Wataniya 1 consacré à ce sujet. Le ministre de l’Agriculture, des Ressources hydrauliques et de la Pêche, Saad Seddik, – par ailleurs ingénieur principal des eaux, ancien directeur des barrages au sein du même ministère et ancien Pdg de la Société nationale d’exploitation et de distribution de l’eau (Sonede) – insistait sur la baisse importante de la pluviométrie, notamment au cours des deux dernières années, ce qui a gravement affecté le taux de remplissage des barrages. Par conséquent, la gestion de la distribution de l’eau sur tout le territoire devenait plus difficile, ce qui explique, selon lui, que certaines régions voyaient leur approvisionnement affecté au profit d’autres. L’autre raison, c’est que l’anarchie qui a régné ces dernières années a affecté les ressources hydriques. Il y a eu un nombre énorme de puits creusés partout en Tunisie et on a puisé sans compter dans la nappe phréatique, qui n’est pas inépuisable ni renouvelable.
Prévenir les émeutes de l’eau
L’argument ridicule du tourisme qui serait à l’origine du problème du manque d’eau en été ne tient pas. Même le ministre l’a admis. A part le fait que le nombre de touristes est en nette baisse par rapport aux années précédentes, le tourisme ne représente que 1% de la consommation globale de l’eau en Tunisie, alors que le secteur agricole, qui recourt à l’irrigation intensive, en accapare, à lui seul, 80%. L’industrie, les services (qui comprennent le tourisme) ainsi que la consommation des ménages représentent les 20% restant.
Le Pdg de la Sonede, également invité sur le plateau de la Watanita 1, nous a semblé hors du coup. Ce n’est pas pour l’accabler, mais tout au long de l’émission, il n’arrivait pas à se départir de ses réflexes de fonctionnaire sur la défensive qui devait rendre des comptes. Il cafouillait et ne répondait pas clairement aux interrogations des Tunisiens. Aussi, la solution du dessalement de l’eau de mer, solution efficace, n’a-t-elle été que vaguement abordée à la fin de l’émission.
Il faut tout faire pour que les problèmes liés à l’eau soient débattus, expliqués et résolus avec la contribution de tous les acteurs concernés, mais aussi les citoyens. Car la détérioration de la situation actuelle, qui est déjà préoccupante, aura des impacts sociaux gravissimes. Il pourrait même y avoir des émeutes de l’eau, comme il y eut dans les années 1980 du siècle dernier, des émeutes du pain. Et ce serait symptomatique d’un pays qui ne cesse de marcher à reculons pour atteindre, bientôt, si on ne fait rien pour redresser la situation, le rang, peu enviable, des PAM (pays les moins avancés).
* Juriste.
Donnez votre avis