Le ministre tunisien des Affaires culturelles, Mohamed Zinelabidine, serait-il un wahhabite pro-saoudien ? Pourquoi alors a-t-il fait censurer le film ‘‘Muhammad’’ ?
Par Assâad Jomâa *
Mohamed Zinelabidine, ministre des Affaires culturelles, est musicologue, musicien, luthiste et compositeur. C’est donc un créateur artistique. Sa première décision médiatisée a été la censure d’une œuvre artistique, le film iranien ‘‘Muhammad, le messager de Dieu’’, en l’occurrence. Comment en est-on arrivé à cette absurdité, anticonstitutionnelle qui plus est ? Voilà qui mérite certaines explications.
Les salafistes font la loi
Ce que nous avons en vue dans cet article, ce n’est nullement le dogme de l’islam, si tant qu’il en existât un, en la matière, en l’absence des instances, sciemment invalidées, du magistère. Mais l’interprétation salafiste wahhabite des textes religieux islamiques. Pourquoi celle-ci devrait-elle être privilégiée par rapport à d’autres, autrement plus légitimes tant historiquement que scientifiquement?
Tout simplement parce que c’est la doctrine socio-juridique, inavouée certes, plate-forme commune à l’islam politique sous nos cieux.
Salafistes, nos politico-religieux le sont de par leurs référents doctrinaux. Wahhabites, ils le sont davantage par opportunisme et commodité d’intendance.
Ce faisant, ils se retrouvent à l’extrême droite du salafisme. Jugez-en plutôt.
Théoricien de l’«idéologie» saoudienne et co-fondateur de l’actuelle Arabie saoudite, Mohammed Ben Abdelwahab (1703-1792) – précurseur du wahhabisme – est un rigoriste hanbalite, fidèle disciple d’Ibn Taymiyya et d’Ibn Qayyim Al-Jawziyya. N’ayant pas brillé par l’importance de son œuvre, il s’est distingué par quelques crédos à même de situer le personnage : la démolition des tombes (susceptibles d’être objets d’adoration, à l’en croire), la lapidation des femmes adultères, systématique excommunication («takfîr») des musulmans suspectés de polythéisme (en fait de tous ceux qui ne partagent pas ses vues)…
Sa politique étrangère est des plus simples : tuer par l’épée (sic) les juifs et chrétiens, adeptes du diable et sorciers à leurs heures.
Son modèle de pieux musulman se cantonnant aux trois premières générations de l’islam, la suite n’étant que décadence et perversité. Notre unique planche de salut serait de mimer nos ancêtres du premier siècle de l’Hégire.
Edifiant, non ?!
La capitulation des malékites zitouniens
Et ce n’est pas sans quelque raison que notre autorité, en la matière, feu Tahar Ben Achour, s’était violemment opposé, au nom des malékites de la mosquée Zitouna de Tunis, à l’importation de la doctrine wahhabite en Tunisie.
Vous comprendrez aussi que pareilles options, radicales s’il en est, n’incitent pas à la mansuétude à l’égard de la création artistique, posant, à la base, problème en islam. Si l’art religieux par excellence en islam, celui des soufis, est considéré par les wahhabites comme hérésie, comment pourraient-ils accorder droit de cité aux arts profanes?!
Alors, monsieur le ministre des Affaires culturelles, si vous persistez à croire que pareils «partenaires» puissent être des références artistiques et politiquement fréquentables, censurez… par conviction wahhabite. Sciant, de la sorte, la branche sur laquelle vous êtes assis… vous y perdriez, à terme, non seulement, votre conscience politique, mais plus grave encore, votre âme artistique.
* Universitaire.
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