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Retour sur l’inscription des étudiants en médecine venus de facultés étrangères

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Le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique: doyens, commissions universitaires, et justice administrative; un conflit de juridictions ?

Par Dr Mounir Hanablia *

L’affaire de l’inscription dans les facultés des étudiants en médecine tunisiens ayant terminé leur premier cycle à l’étranger n’est toujours pas définitivement close. Elle avait débuté le 4 juillet dernier par un communiqué de l’ancien ministre de l’Enseignement supérieur Chiheb Bouden, épaulé par les 4 doyens des facultés de médecine, annonçant la décision de ne plus accepter d’étudiants tunisiens préalablement inscrits dans les facultés étrangères. Le 29 août , après un recours déposé par plus de 40 étudiants, un jugement du tribunal administratif suspendait la décision du ministre en attendant le jugement de l’affaire sur le fond; mais fait important ayant été à l’origine d’une controverse juridique, il stipulait dans ses attendus que l’admission des étudiants se ferait selon les critères annoncés par un communiqué antérieur du même ministre en 2015, qui se résumaient en 2 conditions : une moyenne au baccalauréat supérieure à 14/20 et l’inscription à l’étranger dans une faculté reconnue par le ministère.

Quand le tribunal administratif s’en mêle

Entre-temps, le gouvernement Habib Essid étant arrivé au terme de sa mission, un nouveau ministre de l’Enseignement supérieur, Slim Khalbous, lui-même, il ne faut pas l’oublier, un ancien doyen d’institut des hautes études, avait été nommé à la tête du ministère de l’Enseignement supérieur, et ce dernier s’était donc trouvé dans l’obligation d’exécuter la décision du tribunal administratif, à savoir l’inscription de tous les étudiants concernés répondant aux conditions requises.
Le nouveau ministre, après consultation des doyens concernés, prenait finalement dans un premier temps, la décision publiée dans un communiqué de n’admettre que les vingt meilleurs étudiants retenus par une commission nationale universitaire sur la base d’un certain nombre de critères également publiés, ce qui constituait déjà une entorse aux attendus du jugement administratif; mais pour le nouveau ministre, l’inscription d’un certain nombre d’étudiants constituait en elle-même l’exécution du jugement puisqu’elle levait l’interdiction décrétée par son ancien collègue.

Cependant face aux protestations suscitées par sa décision, un certain nombre de parents ayant été jusqu’à occuper de nuit les locaux du ministère, face aux répercussions qu’elles commençaient à avoir sur le plan médiatique, et suite à l’intercession d’un certain nombre de députés du peuple, le ministre promettait qu’un plus grand nombre d’étudiants serait ultérieurement inscrit. Et en fin de compte, après une première liste de 20 étudiants annoncée le 25 septembre, une liste définitive regroupant un total de 46 étudiants était finalement publiée le 30 septembre. Et pour le ministre Khalbous, le dossier était désormais définitivement clos, mais nullement pour quelques uns parmi les étudiants refusés dont le nombre total s’élève à 40, ni pour leurs parents, qui décidaient de recourir de nouveau au tribunal administratif.

Il faut savoir que la thèse qui a toujours prévalu parmi les parents, mais dont les attendus du jugement précité n’ont pas reconnu la véracité, était la suivante: ils n’avaient accepté d’envoyer leurs enfants dans les pays étrangers et même pour certains aux confins de la brousse où sévissent les maladies tropicales, que dans la perspective qu’ils puissent retourner au bout de deux à trois années au pays, et que le ministère en agissant sans préavis raisonnable portait un préjudice grave à leurs enfants et violait un droit acquis de facto depuis plus de vingt années.

Le souverainisme des doyens et l’égalitarisme de l’opinion publique

Cependant, les doyens avaient finalement décidé de ne plus le reconnaître après qu’une étudiante, inscrite à la faculté de Monastir, et redoublante, eût porté plainte devant une juridiction pénale contre l’un de leurs collègues qui lui avait refusé sa mutation vers la faculté de médecine de Tunis.

Ce faisant, les doyens faisaient un amalgame entre deux situations complètement différentes, celle des étudiants de l’étranger et désireux de s’inscrire dans les facultés tunisiennes, et celle de leurs camarades déjà inscrits dans des facultés tunisiennes mais réclamant une mobilité inter facultés. Et il faut reconnaître que, mise à part la comparution de leur collègue devant la juridiction pénale que tout le corps enseignant universitaire avait trouvée scandaleuse, les doyens avaient en 2015 subi des pressions ayant parfois frôlé le harcèlement, autant de la part des parents désireux d’inscrire leurs enfants, que de la part des députés de la nation, les soutenant, mais il faut dire aussi à la décharge des parents considérés qu’ils n’avaient pas apprécié qu’en 2015 une première liste d’étudiants admis eût été établie sans aucune condition, alors que pour une deuxième liste des critères eussent exclus certains des candidats. Et effectivement il semble que les doyens aient de leurs prérogatives une interprétation souverainiste que ne partage pas l’opinion publique, profondément égalitariste. Et c’est de là qu’est née une incompréhension entre les deux parties qui a fini par atteindre pour certains le contentieux.

Et si contentieux il y a actuellement qui a pour ainsi dire poussé un certain nombre de parents (17) à reprendre le chemin du tribunal administratif afin de tenter de disqualifier les travaux de la commission universitaire et en particulier les critères utilisés, force est de reconnaître qu’un certain nombre de réclamations ne sont pas dénuées de tout fondement: d’abord la majorité des plaignants ont continué de contester le bien-fondé de l’instauration des critères en arguant du fait que le nombre de places disponibles dans les facultés aurait largement suffi à absorber tous les candidats ce qui aurait évité les préjudices causés aux étudiants par le changement brusque d’attitude des doyens épaulés par le ministère; ensuite que même les critères annoncés par la commission pour l’établissement des scores et du classement n’ont finalement pas été respectés : ceux-ci auraient dû tenir compte de la moyenne du baccalauréat, de la moyenne de la deuxième année d’études médicales, d’un bonus de 5 points pour les dossiers socio économiques ou médicaux, et d’un malus de 5 points pour chaque année de redoublement ainsi que pour les années blanches; force est de constater qu’à l’arrivée TOUS les candidats admis par la commission bénéficiaient d’un score associant à une moyenne du baccalauréat supérieure à 14/20, un bonus de 5 points ce qui revient à dire que la commission a pris la décision inacceptable sur le plan des principes et carrément illégale, invalidant son travail, d’ajouter de son propre chef 5 points à des candidats qui ne le méritaient pas.

Mis à part cela, si on se réfère au jugement administratif d’août 2016, on réalise que les 46 étudiants admis répondent effectivement à ses attendus, à savoir une moyenne du baccalauréat supérieure à 14/20 et une inscription dans une faculté étrangère reconnue. Mais 4 étudiants répondant eux-mêmes aux attendus du jugement ont été injustement exclus parce qu’ils ont été pénalisés par un malus de 5 points, que le même jugement ne prévoit nullement, et leur point commun c’est d’être tous des redoublants.

Outre que l’exclusion des redoublants soit une mesure que tous les cadres de l’enseignement s’accordent à qualifier d’anti pédagogique, elle viole dans le cas précis les recommandations du tribunal administratif et aboutit à un déni de justice de la part de la commission universitaire. Mais le ministère a maintenu contre toute évidence que le travail de la commission était conforme aux décisions la justice administrative, ce qui a poussé un certain nombre d’étudiants, les 4 redoublants, à demander au tribunal un additif explicatif exécutif, et ce dernier, en le publiant le 26 octobre, a confirmé que l’exécution de son jugement du 29 août requérait de la part du ministère l’admission de tous les étudiants issus de facultés reconnues dont la moyenne au baccalauréat était supérieure à 14/20.

Au Maroc où on était jusque-là habitué à voir les Tunisiens repartir après deux années d’études, cette affaire a suscité d’abord l’étonnement puis même la désapprobation puisque certains là-bas ont considéré que cette manière de dresser des barrières devant des étudiants issus de leurs propres facultés constituait une remise en cause de la crédibilité de l’enseignement médical Marocain, d’autant plus regrettable que l’un des doyens actuels de Tunisie, dont l’opposition est la plus ferme à l’inscription des étudiants, avait lui-même fait des pieds et des mains, il y a quelques années, pour inscrire son fils au Maroc puis, deux années plus tard, le faire réintégrer les facultés tunisiennes.

Seul le respect de la loi et des règlements peut éviter les problèmes

Entre-temps, après un recours infructueux auprès du médiateur administratif et avec plus de deux mois de retard sur le début des cours, ce groupe d’étudiants continue à attendre une décision du ministre reconnaissant leurs droits et qui tarde à venir, leurs 4 dossiers ayant été réexaminés par le président de la commission universitaire.

Le plus étonnant est le retrait des députés et leur refus de toute médiation dans cette affaire; ils ont subordonné leur éventuelle intervention à un nouveau jugement contre les critères. Ce qui est surprenant c’est que des députés de bords politiques différents comme Ennahdha, Nidaa, Machrou, ou même d’anciens «troïkistes», aient tous adopté la même opinion.

Au-delà des divergences politiques, il semble qu’au sein de l’assemblée des représentants du peuple des mots d’ordre circulent relativement à certains dossiers ou certains ministres qui soient adoptés par tous, on ne comprend pas comment. Mais une autre question dés lors se pose, celle de savoir si l’exécution d’un jugement administratif requiert ou non l’intervention des députés, ce qui la subordonnerait à des calculs politiques évidemment inacceptables, or des jugements administratifs sont demeurés non exécutés comme dans l’affaire de l’IVJ, et au sein du ministère de l’enseignement supérieur beaucoup semblent considérer d’abord qu’un jugement administratif ne prête pas trop à conséquence, puisque son exécution ne dépend que de la coopération de l’administration concernée, ensuite que les doyens ne soient pas du tout tenus de s’y conformer.

Et bien évidemment, au-delà de toutes ces péripéties, une conclusion s’impose: sans un tribunal administratif possédant des moyens coercitifs autonomes indépendants des partis politiques, afin d’obliger les récalcitrants à se conformer à ses décisions, il ne peut y avoir de véritable respect de la loi.

* Cardiologue, Gammarth, La Marsa.

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