Après 2 suicides de jeunes à El-Mourouj, des habitants ont jeté la responsabilité sur un groupe satanique. Ce n’est pas l’avis des jeunes du quartier.
Par Yüsra Nemlaghi
Haythem (20 ans) a été retrouvé pendu, hier soir, à son domicile. Cela s’est passé 3 jours après le suicide de Sarra (15 ans), qui a été présentée comme adepte du satanisme. Il ne fallait pas plus pour que les habitants d’El-Mourouj, quartier populaire au sud de Tunis, s’inquiètent et qu’une psychose du satanisme s’installe, alimentée par certains médias en quête de sensationnel.
L’enquête, ouverte vendredi après la découverte du corps de Sarra, pendue dans sa chambre, à El-Mourouj 1, n’a pas encore révélé ses secrets ni les motivations qui ont poussé l’adolescente à se suicider. Certains élèves se sont confiés à leurs enseignants et parlé d’un groupe satanique formé de jeunes du quartier qui aurait incité Sarra à mettre fin à ses jours.
Le suicide de Haythem, survenu moins de 72 heures après, un jeune de 20 ans, travaillant dans un centre d’appels, après avoir échoué l’an dernier au bac, lui aussi découvert pendu à son domicile à El-Mourouj 4, a alimenté encore cette psychose.
Un enseignant du quartier a indiqué à Kapitalis que le sujet du satanisme a en effet été évoqué. «Pas plus tard que ce matin, nous en avons parlé dans la salle des profs, et nous nous interrogeons sur cette affaire, en espérant que l’enquête apportera des réponses, afin que l’on puisse aider nos élèves», a-t-il précisé, ajoutant que les habitants d’El-Mourouj s’inquiètent vraiment et souhaitent connaître la vérité et interroger leur enfants sur l’existence ou non d’un groupe satanique dans la région et s’il a une influence morbide sur les adolescents et les jeunes.
Cependant, aucun lien n’a encore été établi entre la mort de Sarra et de Haythem et un quelconque groupe satanique.
De plus, plusieurs lycéens ont indiqué qu’il s’agit là d’une fausse piste et que les adultes devraient chercher les vraies raisons qui poussent les jeunes à mettre fin à leurs jours, et non fuir leurs responsabilités et se défausser sur une chimère appelé satanisme.
Selon Wael, un jeune du quartier, le groupe d’une quarantaine d’élèves soupçonnés de satanisme ne sont que des adeptes de hard corps, hard rock et métal. «Ils aiment s’habiller en noir, écouter ce genre de musique, mais n’appellent en aucun cas à se donner la mort», a-t-il confié à Kapitalis, ajoutant que d’après un ami proche de Sarra, l’adolescente aurait subi des pressions de la part de son père et c’est ce malaise familial qui serait la principale cause de son suicide. «Je connaissais personnellement Haythem et ce jeune homme n’a aucun lien, ni de près ni de loin, avec Sarra. Il n’était pas adepte du satanisme ni amateur de hard rock», a ajouté Wael.
Le jeune homme estime que les adultes et les responsables devraient plutôt chercher les raisons profondes de ces suicides et empêcher qu’un phénomène de mimétisme macabre s’installe parmi les jeunes.
«L’adolescence est une période qui peut être difficile à vivre pour certaines personnes, et avec la situation difficile que traverse le pays, certains jeunes ne savent pas s’y prendre et peuvent avoir des problèmes de communication, avec la famille ou la société. Il serait plus judicieux d’éviter de tirer des conclusions hâtives, de se pencher sérieusement sur le sujet et d’essayer d’aider les adolescents pour leur redonner de l’espoir en un avenir meilleur», a jouté Wael. Et de conclure: «Nous ne sommes pas tous bien entourés et nous n’avons pas tous des personnes à qui nous confier. Le rôle des adultes est de nous accompagner, de nous interroger et d’essayer de comprendre notre désarroi, et non de rejeter leur responsabilité sur les autres et de passer ainsi à côté de l’essentiel».
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