Leila Chettaoui a été exclue, mercredi 26 avril 2017, du bloc parlementaire de Nidaa Tounes, prélude à sa mise à mort politique décidée par Ennahdha.
Par Abderrazek Krimi
La députée, présidente de la commission parlementaire d’enquête sur les réseaux de transfert des jeunes tunisiens vers les zones de conflit, déplait (c’est un euphémisme) au directeur exécutif autoproclamé de Nidaa Tounes, Hafedh Caïd Essebsi, ainsi qu’au parti islamiste Ennahdha, qui n’apprécie pas (c’est encore un euphémisme) la détermination qu’elle montre à révéler la vérité sur les responsables politiques de la montée du terrorisme en Tunisie.
La main de Hafedh Caïd Essebsi
Le président du bloc parlementaire de Nidaa Tounes, Soufiane Toubel, a justifié la décision d’exclusion de Mme Chettaoui par le fait qu’elle a signé une pétition contestant la loi relative à la vente de la ferraille, votée récemment à l’Assemblée des représentants du peuple (ARP). On sait, cependant, que la raison est ailleurs.
La députée, qui n’a pas été préalablement informée de son exclusion, a été surprise de voir son nom disparaitre de la liste de présence à la commission de la législation générale. On lui a expliqué que c’est le président de son bloc qui a demandé son exclusion de cette commission et désigné un autre député à sa place.
Cette décision émane, on l’imagine, de Hafedh Caïd Essebsi, dont Leila Chettaoui s’est nettement démarquée ces derniers mois, n’appréciant pas l’agitation du fils du président de la république, Béji Caïd Essebsi, qui, dans sa course folle pour succéder à son père, a transformé Nidaa Tounes en un champ de ruines.
Récemment, Hafedh Caïd Essebsi a accusé, sans preuves, Leila Chettaoui d’être derrière la fuite de l’enregistrement de la réunion du bureau politique de Nidaa Tounes, qui a provoqué un scandale dans le pays.
Chettaoui dans le collimateur des islamistes
Pour ne rien arranger, Leila Chettaoui a fait part de son intention de convoquer les anciens ministres islamistes de l’Intérieur, de la Justice et des Affaires étrangères, en l’occurrence Ali Larayedh, Noureddine Bhiri et Rafik Abdesselem, pour être auditionnés par la commission parlementaire qu’elle préside à propos des réseaux d’envoi de jihadistes tunisiens en Syrie, entre 2012 et 2013, sous le règne de la «troïka», la coalition gouvernementale conduite par Ennahdha.
Comme pour prouver l’implication de leur parti dans ces opérations, les membres de la commission issus d’Ennahdha multiplient les manœuvres et les machinations pour en obstruer le fonctionnement. On se souvient de l’incident provoqué par la députée nahdhaouie Meherzia Laabidi qui, prenant à partie la présidente de la commission d’enquête, a tenté de l’empêcher d’établir un programme de travail et une liste de personnalités à auditionner.
Leila Chettaoui a aggravé son cas aux yeux des islamistes en annonçant la convocation prochaine du député nahdhaoui Mohamed Frikha pour être auditionné par la commission à propos de son rôle, comme propriétaire de la compagnie Syphax Airlines, dans le transport de centaines de jihadistes dans des dizaines de vols charters, effectués par sa compagnie durant l’année 2013, entre l’aéroport de Sfax/Thyna, en Tunisie, et celui Sabiha/Gokcen, au sud de la Turquie, d’où transitaient les jihadistes sur le chemin de la Syrie et de l’Irak.
L’annonce de cette audition semble avoir inquiété les dirigeants d’Ennahdha, qui sont passés à la vitesse supérieure en exigeant l’expulsion de Leila Chettaoui du bloc parlementaire Nidaa Tounes, prélude à son remplacement à la tête de ladite commission par une autre personnalité plus «souple».
Scénario que Sofiane Toubel, l’homme des basses manœuvres de Hafedh Caïd Essebsi, est en train de mettre à exécution, de manière à confirmer ce que l’on sait déjà, à savoir que Nidaa Tounes est devenu une simple succursale d’Ennahdha. Qu’en pensent ses électeurs, qui l’ont porté au pouvoir pour barrer la route devant Ennahdha?
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