Le coup d’envoi des Journées cinématographiques de Carthage (JCC 2016) a été donné vendredi soir, à la salle Le Colisée, avec le dernier film de Ridha Behi ‘‘Fleur d’Alep’’.
Par Fawz Ben Ali
Les JCC, l’un des événements cinématographiques les plus convoités en Afrique et dans le monde arabe, fêtent cette année leur 50e anniversaire. A cette occasion, elles s’étaleront sur 8 jours (contre 7 habituellement), la journée du 29 novembre étant consacrée à la célébration du cinquantenaire, la compétition officielle y sera suspendue pour laisser place aux films de mémoire, ceux qui avaient brillé dans les précédentes éditions.
La dérive jihadiste
La première journée fût marquée par la projection en avant-première mondiale du film ‘‘Fleur d’Alep’’ de Ridha Behi au cinéma Le Colisée, en présence du réalisateur et des deux principaux interprètes Hind Sabri et Mohamed Ali Ben Jemaa.
Actrice, mais aussi productrice du film, Hend Sabri signe ici un retour en force au cinéma tunisien, après 14 ans d’absence (sa dernière apparition date de 2002 dans ‘‘Poupées d’argile’’ de Nouri Bouzid).
Dans ‘‘Fleur d’Alep’’, elle incarne le rôle de Salma, mariée à Hichem (joué par Hichem Rostom), mais sur le point de divorcer. Leur fils unique Mourad (Bedis Behi) est un adolescent plutôt calme et doux mais qui vit mal son retour de France (pays où il a été élevé) et surtout le divorce de ses parents. Sans repères, il trouve auprès d’un réseau de salafistes une nouvelle famille. Accaparé par son travail d’ambulancière, sa mère ne voit rien venir, encore moins son père, quasi absent.
Entraîné dans la plus dangereuse des sectes, Mourad s’imprègne petit à petit de la pensée jihadiste. Il quitte sa copine, jette sa guitare, quitte l’école et passe le plus clair de son temps dans les mosquées. Le tout sous un regard naïvement irresponsable de ses parents qui préfèrent y voir une crise d’adolescence passagère, alors que Mourad est déjà résolu à partir combattre aux côtés des jihadistes en Syrie.
Dans son film, Ridha Behi alerte à sa manière les parents pour qu’ils ouvrent grand les yeux à travers cette histoire qui nous rappelle qu’il n’est pas nécessaire d’être délinquant, pauvre ou non éduqué pour s’enrôler dans les mouvances islamistes, un réseau qui puise sa force dans la jeunesse, proie facile à endoctriner. D’ailleurs, le film est en prise avec l’actualité du monde et de la Tunisie en particulier : vivier de jihadistes partis en Syrie et en Irak.
Hend Sabri et Mohamed Ali Ben Jemaa.
Déchirante interprétation de Hend Sabri
A l’instar de beaucoup de parents qui n’admettent pas que leurs enfants aillent tuer ou se faire tuer, Salma décide, face à la passivité de son mari, de partir à la recherche de son fils en franchissant la frontière syrienne via la Turquie. Se faisant passer pour une militante islamiste, elle rejoint Jabhat Al-Nosra, groupe jihadiste de rebelles armés affilié à Al-Qaïda. Et c’est là que toute l’horreur commise au nom d’Allah nous est renvoyée de manière crue, un quotidien sombre et sanglant où évolue l’héroïne du film, majestueuse comme on l’a toujours connue, Hend Sabri qui a répondu aux besoins du rôle avec une interprétation juste qui déchire l’écran de sincérité.
Cependant, une étude psychologique, qui aurait percé le monde intérieur de ce gamin durant le processus de radicalisation, manque à ce film. Or, cela est probablement l’angle le plus intéressant dans ce genre de films qui traitent d’un sujet aussi brûlant.
‘‘Fleur d’Alep’’ qui vient d’être retenu pour la course aux Golden Globe Awards, sera disponible dans les salles tunisiennes à partir du 7 novembre 2016.
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