Pour Ben Ali, les séances d’audition publique des victimes des abus des anciens régimes, notamment le sien, sont partiales et ne montrent qu’une face de l’histoire.
Par Yüsra Nemlaghi
Mounir Ben Salha, l’avocat de Zine El-Abidine Ben Ali, a publié, cet après-midi, un communiqué dont il attribue le contenu à l’ancien président, en fuite en Arabie saoudite depuis janvier 2011.
Selon ce dernier, les séances d’audition publiques de l’Instance Vérité et Dignité (IVD), qui ont commencé jeudi et vendredi dernier, et ont pris l’allure d’un procès public de son régime, ont dégénéré en règlements de comptes.
Ces séances sont partiales, a-t-il dit, «car seules les parties qui se présentent comme victimes de torture et de répression ont pris la parole et que la lumière n’a pas été faite sur toute les affaires évoquées dans les témoignages ni sur les faits qui étaient reprochés aux dites victimes».
Bien qu’il ait reconnu que des interrogatoires avaient probablement été menés sans respecter les règles des droits de l’homme, Ben Ali a cru devoir préciser que des victimes ont été dédommagées sur la foi d’un rapport ordonné par la présidence de la république et réalisé par feu Rachid Driss, ancien président du Haut comité des droits de l’homme et des libertés fondamentales, et qui a recensé des cas de dépassements lors des interrogatoires et dans les prisons.
Ben Ali est allé jusqu’à justifier les dépassements des institutions sécuritaires, pénitentiaires et judiciaires par la situation générale prévalant dans le pays qui a dû faire face, selon lui, aux activités secrètes «des ailes sécuritaires et armées de certains partis politiques visant à déstabiliser le pays», par allusion au parti islamiste Ennahdha, dont les militants ont été les plus violemment réprimés par la machine Ben Ali.
«Nous avons toujours oeuvré pour protéger le peuple et la nation et leur permettre de vivre dignement et en sécurité», a-t-il aussi souligné.
L’ancien président estime, par ailleurs, que les auditions publiques de l’IVD pourraient diviser les Tunisiens et détourner leur attention des vrais problèmes auxquels est confrontée la Tunisie aujourd’hui, citant au passage «la crise économique étouffante et le terrorisme».
«Nous compatissons avec les victimes des abus de l’Etat, mais aussi avec celles du terrorisme et de la violence politique», a-t-il ajouté, faisant allusion aux meurtres de Lotfi Nagdh, Chokri Belaïd et autres Mohamed Brahmi, sans parler des agents et cadres sécuritaires et armés tués par des groupes extrémistes religieux… après 2011.
Ben Ali, qui reconnait sa responsabilité dans les abus du passé, essaie non seulement de les justifier, mais en appelle au jugement des historiens, et non des juges, qu’il a totalement ignorés dans son communiqué, estimant, sans doute, que le bilan de ses 23 ans de pouvoir pourrait être jugé relativement positif, en comparaison avec la détérioration de la situation générale dans le pays depuis son départ.
Dans son exil en Arabie saoudite, Ben Ali entend les gémissements des Tunisiens depuis la montée d’Ennahdha aux affaires et pense pouvoir y puiser une justification, a posteriori, de ses abus anciens.
On aura tout vu et entendu: la justice transitionnelle finira-t-elle par bénéficier à… Ben Ali?
Donnez votre avis