Pays musulman d’Asie centrale, l’Ouzbékistan ne manque pas d’attractions touristiques qui méritent le déplacement. C’est aussi un pays d’histoire, de culture et de bon goût.
Par Jamila Ben Mustapha *
Deux espaces géographiques et culturels sont généralement familiers aux Tunisiens : le monde arabe et musulman (avec, dans la deuxième catégorie, l’Iran, la Turquie, le Pakistan, l’Inde, l’Indonésie, le Bangla-Desh), et le monde occidental.
Un autre ensemble de pays musulmans nous est, par contre, peu connu : les républiques d’Asie centrale comprenant l’Ouzbékistan, le Kazakhstan, le Turkménistan, le Kirghizistan et le Tadjikistan. La destination la plus touristique d’entre elles est, sans conteste, l’Ouzbékistan que nous avons récemment visité, Etat dont les limites géographiques n’ont été fixées qu’il y a environ un siècle par Staline, en 1924, lorsqu’il était sous domination soviétique.
Mausolée de l’imam Boukhari à Samarcande.
Un pays de savants
Cette nation récente a pourtant le privilège de réunir dans ses frontières des villes historiques millénaires et prestigieuses comme Samarcande, Boukhara, Khiva et Tachkent.
Toutes ces villes ont été des étapes importantes sur la route de la soie qui a duré 17 siècles jusqu’aux grandes découvertes maritimes (environ du IIe siècle av. J.-C. au XVe) : les caravanes partaient d’Antioche puis traversaient l’empire byzantin, perse et indien pour aboutir en Chine; elles transportaient le thé, le papier, la poudre à canon, la porcelaine et, bien entendu, la soie.
Nous avions entendu parler, jusque-là, de beaucoup de savants musulmans, sans pouvoir délimiter de façon exacte leur lieu d’origine; ce voyage nous a permis de localiser quelques-uns d’entre eux: le mathématicien Al-Khawarizmi, inventeur de l’algorithme, et l’encyclopédiste Al-Biruni sont tous deux originaires de Khawarizm; l’imam Boukhari, grand compilateur de hadiths, est né non loin de Boukhara et son mausolée est encore très visité aujourd’hui; le médecin et philosophe Ibn-Sina est natif, lui aussi, de la même ville. N’oublions pas, dans cette énumération, un prince turco-mongol qui a été un grand astronome, Ulugh Beg, petit-fils de Timour le Grand, mort à Samarcande et qui s’est plus intéressé à la science qu’au pouvoir.
… et d’architectes
Y a-t-il des points communs entre l’Ouzbékistan et l’Iran où nous nous sommes précédemment rendus? Cela est sûr, étant donné que le premier pays a commencé par faire partie de l’empire perse, partager son histoire et nombre de ses dynasties jusqu’au XVIe siècle: Achéménides, Sassanides, conquête arabe, invasion mongole… À partir de là, apparaît une dynastie turco-mongole qui va fonder la nation ouzbèke, celle des Chaybanides. Elle descend de Chayban, petit-fils de Gengis Khan.
Sur le plan de l’architecture et du patrimoine, nous avons constaté autant de beauté et de raffinement en Iran qu’en Ouzbékistan.
Un point de convergence entre les deux pays est la présence de la couleur bleue dans la céramique, utilisée dans toutes ses gammes, du bleu marine au turquoise.
Mais ce bleu ne ressort que parce qu’il est utilisé plus fréquemment que mille autres couleurs partageant le même espace, un peu comme, au niveau du son, le solo d’un grand luthiste est accompagné, en mode mineur, par beaucoup d’autres instrumentistes.
Ce qui distingue l’architecture en Ouzbékistan, c’est le modèle de la medersa qui vaut aussi bien pour les lieux d’enseignement que pour les mosquées et les mausolées: à l’extérieur, un porche voûté monumental, appelé «iwan», est bordé, à droite et à gauche, de deux murs symétriques moins élevés; ces derniers contiennent, sur un ou deux niveaux, des ouvertures quelquefois aveugles, indiquant plus généralement les cellules d’étudiants donnant sur la cour intérieure; fenêtres comme portes ont la forme d’arcs pointus ou arcs persans.
Ce modèle est l’objet de variations diverses concernant l’architecture des monuments, mais aussi le revêtement en céramique qui les couvre intégralement et à profusion de motifs multicolores calligraphiques, géométriques et floraux, le tout dégageant une impression de grande harmonie.
Le Régistan, cataloguée la plus belle place du monde par l’Unesco.
Parmi les plus beaux lieux touristiques de l’Ouzbékistan, on ne peut pas ne pas citer la place du Régistan à Samarcande, de forme carrée et contenant, sur ses trois côtés, des medersas : celle d’Ulugh Beg, à gauche, bâtie au XVe siècle, celle de Cher Dor placée en miroir à droite, et celle de Tilla-Qari en face, ces deux dernières ayant été construites au XVIIe siècle.
Cette place qui prend un air de coin de paradis la nuit, quand elle est illuminée, a été cataloguée par l’Unesco, en 2014, comme la plus belle place du monde.
Ce qui est spécifique à l’Ouzbékistan, ce sont les dômes de couleur turquoise, non plus lisses mais côtelés, le plus impressionnant étant celui du mausolée de Timour le Grand à Samarcande, que nous avions aperçu dans un livre d’histoire, et qui avait, dès lors, suscité notre envie de découvrir ce lieu. Ce dôme superbement décoré à l’extérieur par de multiples nervures l’est aussi à l’intérieur par des motifs en relief de papier d’or, servant ainsi de plafond à la crypte, au tombeau en jade de Timour, comme à ceux de ses proches.
Une autre différence avec l’Iran, c’est l’utilisation plus répandue du bois en Ouzbékistan, étant donné la fréquence de l’orme et du noyer, et ceci dans la fabrication des colonnes, mais aussi des portes sculptées par des motifs aussi fins que ceux d’une broderie.
Dans ce monde marqué par la civilisation perse mais qui a trouvé dans les Turco-Mongols de dignes successeurs, la décoration se poursuit ainsi à l’infini, ne laissant aucun espace vide, qu’il s’agisse de surfaces lisses comme la céramique, ou en relief comme le bois.
A suivre.
* Universitaire.
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