Même si la chaîne de télévision Zitouna doit subir le même sort que Nessma, l’arrêt de la retransmission des programmes d’un côté seulement, et non de l’autre, ne doit pas faire oublier les pratiques répugnantes auxquelles se livrent depuis des années Nabil Karoui et ses compagnons fricoteurs.
Par Mohamed Sadok Lejri *
Il faut, tout d’abord, rappeler deux éléments importants pour resituer les choses dans leur contexte.
D’abord, la guerre qui oppose la Haute autorité indépendante de la communication audiovisuelle, communément appelée Haica, à la chaîne de télévision privée Nessma, a commencé bien avant l’accession de Youssef Chahed à la présidence du gouvernement. Ainsi, la décision de la Haica ne répond pas au désir de satisfaire les ambitions politiques de l’actuel locataire de la Kasbah. En d’autres termes, M. Chahed n’est pas derrière cette décision.
L’opportunisme légendaire du parti islamiste Ennahdha
Ensuite, la Haica n’est guère responsable du favoritisme dont jouit Zitouna qui, de l’aveu du président de l’instance de régulation, Nouri Lajmi, est une chaîne protégée par le parti Ennahdha.
Les membres du parti islamiste, ne faillant jamais à leur opportunisme légendaire et voulant se faire passer pour les chantres de la liberté d’expression, n’ont pas manqué de se prononcer, hier, vendredi 26 avril 2019, contre la fermeture de Nessma par la puissance publique. Ils ont également invité la Haica à se rétracter.
Tâchons de rappeler au «bon souvenir» des lecteurs que la diffusion du film ‘‘Persepolis’’ par Nessma s’est accompagnée d’un procès en sorcellerie et d’un procès en bonne et due forme, que les locaux de Nessma et le domicile de Nabil Karoui ont été attaqués par les islamistes et que le journaliste Ziyed Krichène et l’universitaire Hamadi Redissi ont été violemment agressés par un manifestant islamiste à la sortie du procès du directeur de Nessma.
Absence de transparence dans le financement de la chaîne
La Haica reproche à Nessma l’absence de transparence dans le financement de cette chaîne. En effet, Nessma a été, pendant plusieurs années, régulièrement invitée par la haute autorité à lui fournir des pièces essentielles concernant son financement pour compléter son dossier. Mais le patron de Nessma préfère contribuer à l’instauration d’un climat opaque propice aux manœuvres politiques d’individus aux desseins douteux et aux magouilles de toutes sortes.
En outre, la Haica a demandé à Nessma de changer la vocation de la société pour être conforme aux critères du cahier des charges. Elle lui accorde, à chaque fois, un délai pour que Nessma lui fournisse les pièces nécessaires et régularise sa situation. Et le même scénario se produit à chaque fois : les dirigeants de Nessma s’engagent auprès de la Haica à régulariser leur situation et n’honorent pas leur engagement.
Les ambitions malsaines de la bande à Nabil Karoui
L’on pourrait également disserter longuement sur les tentatives d’intimidation sur les membres de la Haica et les violations de la loi et des règles de la déontologie journalistique commises par Nessma. Le problème des radios régionales privées, telles que Sabra fm, Nejma fm, Ulysse fm, etc., que Nessma a tenté d’absorber en est l’une des plus éloquentes illustrations.
Il serait utile de rappeler que Nessma a, pendant un certain temps, occupé l’antenne de plusieurs stations radios, plusieurs heures par jour (environ six heures par jour), grâce à l’accord qui avait été conclu entre cette chaîne de télé et les radios privées susmentionnées. Une concentration médiatique était en train de s’esquisser dans l’indifférence générale et l’instance de régulation a mis le holà aux ambitions malsaines et aux convoitises éhontées de la bande à Nabil Karoui.
La Haica se démène toute seule, depuis plusieurs années, contre des patrons de chaînes de télévision aux mœurs crapuleuses, contre les pratiques quasi-mafieuses des Karoui et consort, lesquelles pratiques s’exercent avec la collusion d’affairistes pourris jusqu’à la moelle et de hauts dignitaires aux intentions douteuses.
Par conséquent, les Tunisiens gagneraient à ne pas prendre part à cette levée de boucliers et au concert d’indignations orchestré par les chiens de garde de Nabil Karoui qui, en réalité, ne sont que des mercenaires grassement payés pour croiser le fer avec ceux portent atteinte aux intérêts de la pègre.
Il faut prêter main forte à l’instance de régulation audiovisuelle
Les Khalifa Ben Salem, Soufiane Ben Farhat, Mohamed Amine M’tiraoui…, j’en passe et des meilleurs, sont des tristes sires qui bouffent à tous les râteliers et qui programment leur discours en fonction de leurs intérêts.
Il faut, donc, prêter main forte à cette instance de régulation qui s’oppose à la puissance du trust médiatique et qui s’évertue depuis sa naissance à faire régner un semblant d’éthique dans le secteur audiovisuel tunisien.
Il est regrettable de voir que d’aucuns préfèrent vilipender la Haica et lui cherchent la petite bête, pensant ainsi se ranger dans le camp du bien, en l’occurrence celui des défenseurs de la liberté d’expression et des pourfendeurs de la politique des deux poids, deux mesures. La sanction dont Nessma vient d’en faire les frais est salutaire, elle devrait être accueillie avec satisfaction par ceux qui éprouvent de l’aversion pour la crapulerie et la manipulation.
Pourvu que Zitouna et la station radio Saint-Coran jouisse du même sort que Nessma, le paysage audiovisuel tunisien n’en sera que plus sain.
- Universitaire.
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