Elire l’ex-ministre de la Défense, Abdelkrim Zbidi à la présidence de la république, c’est accepter qu’il soit la nouvelle marionnette de Ghannouchi, comme le furent avant lui Mustapha Ben Jaafar, Moncef Marzouki, Béji Caïd Essebsi, et autres Youssef Chahed ! Combien d’expériences de ce genre faudra-t-il aux Tunisiens pour vouloir enfin mettre fin à l’emprise des islamistes sur le pays ?
Par Rachid Barnat
Depuis que le calendrier des élections législatives et présidentielles a été chamboulé suite au décès du président de la république, feu Béji Caïd Essebsi, les réseaux sociaux sont pris de fébrilité soudaine et portent aux nues Abdelkrim Zbidi, un homme peu connu, car de tempérament discret voire secret. Les médias, qui ne sont pas en reste, relayent cette fébrilité et certains journalistes encensent l’heureux élu du cœur de bon nombre de Tunisiens pour remplacer feu Caïd Essebsi.
Le critère avancé et rabâché par tous les laudateurs de cet homme providentiel que certains comparent déjà à El Mehdi Al-Mountadher (guide attendu !), étant l’honnêteté que les Tunisiens cherchent désespérément en leurs hommes politiques depuis le fumeux «printemps arabe» qu’ils ont eux-mêmes déclenché, en janvier 2011, comme on ouvre une boîte de Pandore et qui n’a fait que développer la l’opportunisme, le népotisme, le clientélisme, la corruption et l’absence totale de patriotisme.
Comme exemple, une vidéo circule sur Facebook https://www.facebook.com/watch/?v=376065243093074 pour dire que M. Zbidi est un parfait honnête-homme, intègre, qui se distingue de tous les autres candidats à la présidentielle par son refus de profiter des avantages que lui confère sa fonction (habitat et voiture de fonction, bons d’essence, salaire…). Peut-être a-t-il toutes ces qualités, mais cela ne fait pas de lui pour autant un vrai politique capable de sortir la Tunisie de l’ornière où elle se trouve.
M. Zbidi a toujours été soumis aux islamistes
Il faut rappeler que M. Zbidi a fait partie de tous les gouvernements de la «troïka», la coalition conduite par le parti islamiste Ennahdha (janvier 2012-janvier 2014), et ceux d’après, que dominaient toujours les Frères musulmans, sans jamais rien dire à propos de leurs exactions. Il était déjà ministre de la Défense dans le gouvernement conduit par le dirigeant islamiste Hamadi Jebali quand le leader de la gauche Chokri Belaid a été assassiné . La moindre des choses aurait été de démissionner. Rester dans le gouvernement, sans dire quoi que ce soit, équivaut sinon à le cautionner, du moins à se laver les mains du crime commis ! Il n’a strictement pas fait avancer l’examen judiciaire de ce dossier que son mentor Béji Caïd Essebsi avait promis d’ouvrir; ni celui de l’organisation secrète d’Ennahdha, alors qu’il était à un poste stratégique en tant que chargé de la défense du territoire et de sa sécurité.
Sous la «troïka», déjà citée, il a servi sous l’autorité de l’ancien président par intérim Moncef Marzougui et a participé, en raison de son poste, à la livraison à la Libye de l’ex-Premier ministre Al-Baghdadi Al-Mahmoudi, dans des conditions plus que choquantes. Est-ce vraiment un comportement digne? En réalité, il est assez évident, qu’il accepte tout et se tait, comme un simple exécutant. Ce n’est pas cela la dignité au sens politique.
Il n’a jamais parlé des sujets qui fâchent Ghannouchi et ses «frères»
Par ailleurs, il est plus qu’étonnant (pour ne pas dire préoccupant) de voir comment cet homme si peu connu, qui n’a jamais rien dit de mémorable et qui ne dispose même pas d’un parti, se trouve propulsé du jour au lendemain au-devant de la scène, par des moyens puissants de propagande venus d’on ne sait où et financés par on ne sait qui.
Certains surfent sur l’émotion parce qu’il était parmi les derniers responsables du gouvernement à avoir été reçu par feu Caïd Essebsi; et on dit – sans que personne ne puisse le vérifier – que ce dernier l’a désigné pour lui succéder. C’est ce que disent les plus audacieux de ses thuriféraires qui ont tiré hâtivement cette conclusion, émus par le récit de la dernière rencontre de M. Zbidi avec son mentor.
En réalité, il est l’homme de «ceux» qui, en Tunisie et ailleurs, veulent le maintien des Frères musulmans dans le jeu politique, et qui l’ont mis en avant en tant que «oiseau rare recherché par Ghannouchi» pour remplacer Youssef Chahed dont «ils» ne veulent plus.
Les Tunisiens, dont le souci premier est d’éliminer du jeu politique ce virus islamiste, ne doivent pas tomber dans le piège grossier qui leur est tendu. Et ne pas céder au sentimentalisme primaire, pour choisir la personne qui veut dégager les islamistes, source de tous leurs malheurs, depuis le 14 janvier 2011 !
Indéniablement, Abdelkrim Zbidi poursuivra la politique de son mentor Béji Caïd Essebsi : il acceptera le consensus avec les ennemis de la république et n’ouvrira aucun des dossiers qui fâchent Ghannouchi ! C’est en cela qu’il est son oiseau rare ! D’ailleurs, ces dossiers, M. Zbidi n’en a jamais pipé un mot, et on peut parier qu’il n’en parlera jamais, car il restera ce qu’il a toujours été, un serviteur zélé des islamistes.
Quand on pense que Béji Caïd Essebsi, pourtant politique très chevronné, n’a rien pu faire contre Ghannouchi, qui peut croire que ce technocrate sans charisme, sans autorité et sans expérience politique réelle pourra le faire et surtout voudra le faire, lui qui a déjà déclaré lors de sa candidature qu’il se plaçait à égale distance de TOUS les partis ? Ce qui, on l’imagine, plaira d’abord, et beaucoup, à Ennahdha. D’ailleurs, que savent ses laudateurs de ses idées et de son projet pour la Tunisie ? Rien!
L’élire, c’est accepter qu’il soit la nouvelle marionnette de Ghannouchi , comme le furent avant lui Mustapha Ben Jaafar, Mohamed Moncef Marzouki, Béji Caïd Essebsi, et Youssef Chahed ! Combien d’expériences de ce genre faudra-t-il aux Tunisiens, pour enfin comprendre l’emprise des Frères musulmans sur le pays ?
En conclusion, le choix des Tunisiens est maintenant simple, contrairement à ce que le foisonnement des candidatures (une centaine !) pourrait faire penser :
- ils veulent la continuation du consensus avec les islamistes; et là ils ont l’embarras du choix au point qu’ils pourraient choisir directement les Frères musulmans au lieu de faire mine de choisir des progressistes dont la première action est de se coucher devant les islamistes;
- ou bien, ils veulent changer radicalement et ils choisiront un candidat ou un parti qui veut mettre un terme à cette comédie de «démocratie islamiste» que joue Ghannouchi parce que des forces étrangères veulent le maintenir au pouvoir coûte que coûte, sous la menace du terrorisme ou par le consensus, pour donner l’illusion d’une démocratie… qui n’est en réalité qu’une démocratie au rabais; puisqu’elle rend le pouvoir totalement impuissant, ce que malheureusement les résultats de huit années de gestion islamiste, démontrent amplement !
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