L’ancien chef de gouvernement Habib Essid a révélé, dans son livre de «Mémoires» paru cette semaine à Tunis *, des détails méconnus sur l’attaque terroriste contre le musée du Bardo, le 18 mars 2015, qui a fait 23 morts, la plupart des touristes étrangers, et 50 blessés, en plus de la détention de dizaines de touristes pendant des heures avant leur libération par les forces de sécurité.
Par Imed Bahri
L’ancien chef de gouvernement a évoqué cet épisode qui a marqué son court mandat et les réactions qu’il a suscitées, sur les plans national et international.
Cette opération a été comme un coup de tonnerre qui a éclaté au cœur de la capitale à cause des dysfonctionnements des services de sécurité caractérisés par des niveaux d’inaction, de laisser-aller et de mauvaise coordination entre les différentes structures spécialisées, estime l’ancien chef de gouvernement. Cette mauvaise coordination serait due, selon lui, à l’absence de plan du directeur de la Sûreté nationale lors de la nomination de Rafiq Chelly au poste de secrétaire d’État auprès du ministre de l’Intérieur chargé de la Sécurité, car on avait, à l’époque, cherché à réduire les postes et à concentrer le pouvoir de décision de manière à éviter la dispersion des responsabilités, a-t-il expliqué.
Au fil des jours, la coordination a malheureusement diminué et des dysfonctionnements sont apparus, entre les différentes structures de sécurité et au sein de la Garde nationale en particulier.
«J’ai été profondément affecté par le terrible bilan de cette opération, surtout lorsque j’ai appris qu’il y avait eu une grave défaillance au niveau du dispositif de sécurité affecté aux bus touristiques venant du port de La Goulette, ainsi qu’en matière de plan de prévention sécuritaire pour le parlement… Il est devenu clair que la protection du parlement, qui est assurée, à l’intérieur de l’enceinte, par la sécurité présidentielle et, à l’extérieur, par les unités d’intervention relevant de la direction de la sûreté nationale, n’était pas au niveau espéré en termes de vigilance», a écrit M. Essid, ajoutant que les enquêtes effectuées après l’attaque ont prouvé que ces deux dispositifs ont échoué dans les efforts de coordination et d’intégration, «ce qui a affecté le niveau d’efficacité des mesures de sécurité nécessaires pour prévenir tout danger extérieur.»
«Je me souviens que le Japon, qui a perdu deux de ses citoyens dans l’opération, a exprimé sa vive colère lorsqu’il a appris qu’au moment de l’attaque, les gardiens des lieux se trouvaient dans le café et que certains agents n’avaient pas hésité à dévaliser les victimes et à voler quelques effets personnels sur les corps gisant sur le sol», écrit M. Essid, comme pour souligner l’ampleur des manquements constatés et qui débordent le cadre de la «simple» mauvaise coordination entre services pour atteindre jusqu’à la formation, la doctrine et la déontologie.
* «Hadith Edhak ira» (Mémoires) de Habib Essid, en arabe, éditions Leaders, novembre 2021, 492 pages.
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