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Tunisie-Politique : Kaïs Saïed, piètre président doublé d’un mauvais acteur

Dans la soirée d’hier, mercredi 16 mars 2022, le président de la république Kaïs Saïed nous a gratifiés d’une séquence qui synthétise à la perfection le populisme du preux Chevalier d’El-Mnihla. Que de maladresses ! Que d’erreurs de casting ! Quel mauvais d’acteurs pour ce conte d’Oummi Sissi ! Quel mauvais scénario ! Quelle minable mise en scène ! Au final, nous nous retrouvons avec une comédie qui était supposée être une tragédie. Vidéo.

Par Moncef Dhambri

A vouloir être trop près du «peuple [qui] veut» et à trop vouloir être le défenseur des veuves et des orphelins, hier soir, le président de la République a «magistralement» raté sa sortie médiatique. Pourtant, il a fait de la recherche –ou, disons que ses conseillers en Com’ ont fourni un certain effort.

Résumons le scénario de ce conte pour enfants à la Hans Christian Andersen, que les petites gens de la Tunisie d’en bas ne peuvent qu’apprécier : une citoyenne tunisienne, Zina El-Kochbati, la cinquantaine, veuve depuis l’âge de 28 ans qui a le plus grand mal à joindre les deux bouts d’une seule journée, a écopé d’une amende de 60 dinars pour «dissimulation» illégale d’un sac de farine (!?)*, nécessaire pour la très modeste occupation de «boulangère à domicile».

L’histoire d’un peuple qui souffre et qu’on affame

Sortez vos mouchoirs, chers lecteurs : cette mère de famille a quatre enfants à sa charge et son infraction remonte à 2018. Vous en voulez encore ?

En ni une ni deux, le bon, aimable et attachant Chevalier d’El-Mnihla a volé au secours de notre malheureuse compatriote. Et pour cette flagrante manipulation, Kaïs Saïed s’est adressé directement à ceux «qui éprouvent le plus grand mal à assurer le minimum de leur survie quotidienne», leur a promis «des jours meilleurs qui sont très proches» et qu’il sera toujours de leur côté.

Donc, il y a le peuple qui souffre et que l’on [les comploteurs et spéculateurs, ndlr] affame –«pour qu’il se soulève», selon le chef de l’Etat– et «les autres». Il y a les bons et les méchants. Les pauvres versus les riches. Ces derniers, aux pratiques exécrables, «ont amassé des montagnes d’argent et d’or» et «claquent, comme ça, des millions pour un dîner».

D’ailleurs, il aurait pu ajouter pour enrichir le scénario de cette rencontre avec Zina El-Kochbati que les repas de ces riches sont toujours bien arrosés –cela aurait eu encore plus d’effet auprès de son auditoire, à deux semaines du début du mois saint de Ramadan.

N’en rajoutons pas, les scénaristes de ce conte d’Oummi Sissi ont bien ficelé l’épisode d’hier en présentant Kaïs Saïed en défenseur des opprimés et des marginalisés.

Dans l’esprit du locataire du Palais de Carthage, qui est normalement censé être rassembleur de tous Tunisiens, il y a «eux» et «nous», les riches contre les pauvres. Et, bien sûr, M. Saïed, avec son gros salaire de président de la république, se classe lui-même parmi les… pauvres.

Quelle dramaturgie élémentaire ! Quel foutage de gueule! Quelle sortie médiatique ratée! Quelle minable incarnation de Omar Ibn Al-Khattab!

Passons, très vite, sur la maladresse d’attaquer la justice qui s’acharne, selon M. Saïed, sur les auteurs de petits larcins –comme «vendre quatre pains cuits à la maison pour nourrir sa famille»– et qui fait la part belle aux «requins de la spéculation… qui s’enrichissent sur le dos du peuple pauvre et grossissent des comptes bancaires à l’étranger de leur argent mal acquis.»

Le «peuple» frappera bientôt au portail du Palais de Carthage

Et très vite, le chef de l’Etat se ressaisit, car la pente est savonneuse : «Non, bien sûr, les juges ne sont pas tous des crapules… De plus, je ne veux pas m’immiscer dans la manière dont la justice est mise en œuvre…, mais je m’indigne que les choses se passent ainsi. Je vous promets que cela changera», rassure Kaïs Saïed son invitée.

Le locataire du Palais de Carthage est-il en train de suggérer qu’à l’avenir, dans sa république idéale de son «peuple [qui] veut», il y aura une justice à deux vitesses –mais inversée !–, clémente avec les petites gens et très sévères avec ceux d’en haut ?

Ainsi en a voulu notre Omar Ibn Al-Khattab, Amir al-Mouminin (commandeur des croyants).

Désolé, Sir Kaïs Saïed, de vous le dire crûment : vous êtes un mauvais acteur et votre prestation, qui se voulait tragique, a été tout simplement comique. Il est tout à fait légitime que vous vouliez être le défenseur des veuves et des orphelins, mais il y a d’autres choses, d’autres dossiers, dont le traitement est d’une urgence plus que pressante.

Monsieur le président, laissez les cas sociaux, tel que celui de notre concitoyenne Zina El-Kochbati, aux délégués, aux maires et aux omdas. Consacrez-vous, plus sérieusement, à Oummek Sannafa (les agences de notations), au FMI, à la Banque mondiale, à nos partenaires de l’Union européenne, à la guerre russo-ukrainienne, à la flambée des prix du blé et du baril de pétrole, à l’UGTT et Noureddine Taboubi qui sont gonflés à bloc et prêts à en découdre, l’Utica qui a aussi son mot à dire, aux grèves et autres colères, etc.

Et, s’il vous reste quelques minutes de libres, nous vous soumettrons d’autres suggestions. De toute manière, dans peu de temps, nous prenons le pari que votre «peuple [qui] veut» viendra frapper au portail de votre «Château de Carthage».

A la prochaine salve de remises en cause, Monsieur le Président de la République tunisienne.

Respectueusement,

un citoyen tunisien qui n’a pas voté pour vous en 2019 –et qui n’est pas nahdhaoui, je vous rassure !

* Zina El-Kochbati n’aurait pas présenté la facture de l’achat de ce sac de farine.

Vidéo.

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