La manifestation ‘‘Voix vives’’ nous réconcilie avec les mots du rêve, et nous change, pour notre bonheur, des mots salis de la politique qui nous éclaboussent.
Par Anouar Hnaïne
2013. Première édition timide de mettre la poésie en spectacle, suivie par une seconde plus étoffée en 2014, ‘‘Voix vives’’ prend le larges et réunit de grands noms de la poésie en 2015. La route est balisée.
Des poètes issus de toutes les rives de la Méditerranée, des musiciens, des conteurs nous invitent par les mots et les sons à découvrir une culture commune, humaine.
Ce bout de terre inspirant
Une édition répartie en plusieurs segments : ‘Poésie des cinq Méditerranée’, ‘Musique en l’air, d’une rive à l’autre’, ‘Voix en solo’, ‘Lecture à la chandelle’, ‘Harmonique en liberté’, etc.
Où l’on écoute les éclats de mots des poètes prometteurs de mondes nouveaux ou de vécus insupportables. Où l’on rencontre les Adam Fathi (Tunisie) voisinant avec Rachida Madani (Maroc), Daniel Leuwers (France) et Maram Masri (Syrie) ou encore Noni Benegas (Espagne). Bref c’est, l’Onu des rêves, des promesses et des désillusions du monde.
Samedi deuxième jour de cette étincelante manifestation dédiée à la magie des mots : ‘‘Voix vives de Méditerranée en Méditerranée’’ illumine la colline de Sidi Bou Saïd.
Samedi, 2e jour. Soleil encore brillant en cette après-midi. Le village déroule son chapelet de maisons à l’architecturale originale, les murs blanchis à la chaux et le style connu depuis des décennies qui a attiré et séduit de nombreuses célébrités de la littérature et de l’art. Des ouvrages ont été consacrés à ce bout de terre inspirant, chantant sa beauté et son charme.
Depuis les ruelles, ces maisons apparemment modestes gardent leurs secrets. Absence notable de touristes étrangers en cette période de saison favorable. Des vendeurs de babioles gênants vous interpellent. Les visiteurs locaux, la plupart en couples, d’autres en bandes y apprécient la vue carte postale, clics clacs, des photos sous tous les angles et l’affaire est dans le sac. Un air de farniente règne sur le village.
Poète en son pays
C’est dans cette ambiance à la fois sereine et bruyante que se tiennent les agoras des poètes.
Notons, faute de temps, qu’on a eu une maigre ration de poèmes. Un conteur, barde, Rachid Akbal (France-Algérie) est à l’œuvre. Habité par ses personnages, il fait vivre des histoires pour enfants, Yassine, enfant nomade, en est le héros : la lune arrive qui rencontre le soleil, celui-ci qui se fâche et une éclipse les réconcilie, le héros est heureux, les enfants rient.
A défaut d’un programme respecté, on se dirige au café de Amor en dessous du Café des nattes, rien n’y se déroule, plus loin au dessus du café Sidi Chabâane, une placette, boisée domine la baie, le Boukornine veille à l’horizon, lumière et mer étales. Silence. Un silence qui laisse place aux poètes. Le thème «Poète en son pays». Elodia Turki, Tuniso-espagnole, de mère militante anti-franquiste, née dans une prison, vivant en Tunisie, française, poète, psychanalyste, autant dire qu’elle est tous les pays à la fois. La voix frêle, elle lit des extraits courts. Travail sur la construction des mots, sans usage d’images «grandiloquentes», «fortes».
Suit Daniel Maximin, poète guadeloupéen de renommée (‘‘L’invention des Désirades’’, 2009-Coll., Points poésies, ‘‘Césaire et Lam, insolites bâtisseurs’’, HC Ed, 2011, etc.) qui a trouvé en Aimé Césaire un exemple en poésie. L’un de ses nombreux recueils s’intitule ‘‘Aimé Césaire, frère volcan’’ (Le Seuil 2013). Il est connu pour ses ouvrages sur la littérature caribéennes, vit entre son île et Paris. Cet après midi, il explique l’histoire, la situation géopolitique de son île, sœur des autres îles caribéennes et met en situation la poésie de ce coin du monde, fruit de 3 continents, de plusieurs cultures, de quelques langues dominatrices et de milliers de mots.
De toutes ces forces dominatrices le poète, à l’image de Césaire, Glissant ou Chamoiseau en a tiré ses images, ses richesses, sa puissance.
Il clame un poème en rimes, richement coloré illustre sa poésie, un vent froid souffle, il nous oblige à quitter la scène, trop tôt, abandonnant avec regret Ghassan Zaqtan (Palestine) et sa poésie.
Cette manifestation nous incite en somme, à vivre, à lire de la poésie, un territoire qui nous manque. ‘‘Voix vives’’ nous réconcilie avec les mots du rêve, et ça nous change, pour notre bonheur, des mots salis de la politique qui nous éclaboussent.
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