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Pourquoi la Tunisie est-elle un territoire fertile au terrorisme?

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Pour combattre le terrorisme, la Tunisie doit rebâtir des liens plus solides entre citoyens et gouvernement et regagner la confiance de sa jeunesse oubliée.

Par Lotfi Saïbi*

Historiquement, les gens recourent au terrorisme lorsqu’ils s’inscrivent dans une dynamique de lutte contre ce qu’ils perçoivent comme injustice socio-économique, politique ou historique.

Les exemples sont multiples: les Sionistes, qui ont bombardé des cibles britanniques dans les années 1930, estimaient qu’ils devaient le faire dans le but de créer un Etat juif. La déclaration de guerre publiée par Oussama Ben Laden contre les intérêts américains dans les années 1990 découlait de sa conviction que les troupes américaines en Arabie Saoudite représentaient une abomination pour le modèle d’Etat islamique qu’il croyait devoir exister dans la péninsule arabe.

Un terroriste trouve toujours de «bonnes raisons» pour effrayer, tuer et mutiler au nom d’un dieu, d’un pays, d’une idéologie ou d’une ethnicité. Peu importent les raisons, les outils ou les acteurs, le résultat final est toujours le même: la mort et la destruction.

De nombreux experts antiterroristes ont échoué à trouver des solutions pour traiter les causes d’ordre micro ou macro, car ils ne se posaient pas les bonnes questions, tout comme beaucoup de nos «experts» en Tunisie aujourd’hui.

Le problème c’est qu’au lieu de se concentrer sur ce qui provoque le terrorisme, on devrait se pencher sur les conditions dans lesquelles il prolifère. La réponse à cette dernière question permettrait de retracer les traits psychologiques des individus et les conditions dans lesquelles ils évoluent.

En appliquant cela au contexte tunisien, nous nous rendrons compte que la Tunisie, après 2011, est un territoire fertile idéal. De larges franges de jeunes s’y sentent marginalisés, privés de possibilités d’emploi ou d’un engagement politique et sociétal significatif, et déçus par un leadership politique froid et déconnecté, ayant lamentablement échoué à galvaniser une jeunesse frustrée.

En l’absence d’un système éducatif efficace et de toutes perspectives d’un ascenseur socio-économique en marche, ces mêmes jeunes sont devenus des proies faciles pour un endoctrinement religieux sauvage.

Seifeddine Rezgui, auteur de l’attentat de Sousse, le 26 juin 2015, qui a fait 38 morts parmi les touristes étrangers, a sans aucun doute subi un lavage de cerveau, pour être victime de ce que les psychologues appellent la «dynamique de pensée de groupe». Ainsi, plutôt que d’explorer la psychologie et les circonstances de recrutement de Seifeddine Rezgui, nous devons essayer de comprendre comment lui et ses semblables fonctionnent par rapport à l’autre, et le rôle de l’identité du groupe comme instigatrice de violence terroriste.

Freud, le père de la psychologie comportementale, suggérait que les groupes offraient aux individus la possibilité de satisfaire à la fois les instincts humains (connexion d’appartenance et tendance de destruction), en développant des liens étroits avec les membres du groupe, et témoignant de son hostilité envers les étrangers.

En d’autres termes, Seifeddine Rezgui a trouvé un refuge sûr et une connexion au sein du groupe terroriste, son sentiment d’appartenance était le sens qu’il a donné à sa vie. Il avait subordonné son identité individuelle à l’identité collective du groupe auquel il appartenait. La lutte du groupe, celle du bien contre le mal, est devenue son combat, satisfaisant ainsi les deux instincts que Freud avait décrits. Il était alors facile de le convaincre que tout acte de terreur contre ceux étrangers à son groupe était une guerre sainte nécessaire à mener contre un ennemi à neutraliser et détruire.

Rester dans le déni n’arrangera nullement la situation. La Tunisie manque affreusement de la technologie et de l’expérience dont disposent d’autres pays, qui ont à leur actif des années de lutte contre le terrorisme, c’est pour cela que l’elle a besoin d’adopter une autre approche plus compatible avec sa réalité: rebâtir des liens plus solides entre les citoyens et le gouvernement et regagner la confiance de sa jeunesse oubliée.

Ces efforts peuvent réduire la tendance d’un individu, camouflé dans des collectivités locales en difficultés, à s’engager dans un extrémisme violent.

Surmonter ce fossé intergénérationnel et inter-social ne sera certainement pas une tâche facile, cela nécessiterait de la prévoyance, de l’empathie, une vision claire, un leadership solide, une capacité d’écoute et de compréhension, et surtout la volonté et le sacrifice d’une élite auto-absorbée dans sa propre douleur.

* Ancien de l’Université de Harvard, conseiller en communication et développement de leadership, président de 4DLH.

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