«Les profiteurs du pouvoir et de l’influence de Ben Ali» sont les principaux bénéficiaires du projet de loi de réconciliation économique et financière.
Par Mohamed Chawki Abid*
Trois mois après l’annonce du projet de loi de «réconciliation» économique et financière, proposé par la présidence de la république et qui doit être examiné bientôt par l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), aucun cadrage du périmètre des bénéficiaires de l’amnistie n’a été effectué, et aucune étude d’impact sérieuse n’a été produite pour apprécier l’opportunité financière et économique du projet.
Les seules motivations avancées par les experts pro-blanchiment s’appuient sur la gravité de la crise économique que traverse le pays et sur la profondeur des déficits qui frappent les finances publiques et la balance des paiements.
Se limitant à des démonstrations superficielles et subjectives, lesdits experts se sont contentés de nous vendre l’idée de la récupération par l’Etat d’une cagnotte substantielle (estimée entre 2 à 10 milliards de dinars) et du renouement avec un climat d’affaire incitatif pour la reprise des investissements et le retour à la croissance.
De jour en jour, nous réalisons que les bénéficiaires du projet de loi proposé par la présidence de la république, sont essentiellement «les profiteurs du pouvoir et de l’influence de Ben Ali». Il s’agit principalement des:
1) IDE dans le secteur des hydrocarbures (titulaire de concession ou de permis de recherche, changement de mains…);
2) IDE adjudicataires d’opérations de privatisation d’entreprises publiques (cimenteries, IMM…);
3) IDE adjudicataires de licences d’exploitation téléphonique et de services internet;
4) Acquéreurs Tunisiens d’entreprises publiques, notamment dans le secteur de la distribution;
5) IDE et entrepreneurs tunisiens ayant remporté des marchés publics dans des conditions douteuses;
6) Entrepreneurs ayant obtenu des autorisations irrégulières sur intervention de Ben Ali et ses très proches membres de la famille;
7) Sociétés de services et personnes physiques ayant collaboré avec le régime en contrepartie de privilèges illégitimes (journalisme, médias, cabinet de conseil, avocats, juges, immobilier…)
8) Affairistes ayant des sociétés écrans domiciliées dans des paradis fiscaux, procédant à des facturations fictives;
9) Affairistes ayant bénéficié d’abandon (partiel ou total) de dettes bancaires et/ou dettes fiscales;
10) Affairistes ayant profité d’une générosité douanière dans le cadre d’importations illicites;
11) Affairistes en infraction du code des changes dans le cadre d’opérations de fuite de capitaux;
12) Commis de l’Etat et hauts responsables corrompus ayant facilité le déroulement de transactions irrégulières;
13) Autres malfaiteurs : évasion fiscale, fraude douanière, détournement de fonds publics, trafic de devises, blanchiment d’argent, contrebande polyvalente, pillage de richesses naturelles, prédation de bien publics, orientation d’appel d’offres, opacité dans les transactions, favoritisme, interventionnisme, corruption pluridisciplinaire, abus de toutes natures, etc.
Il va sans dire que toutes ces personnes concernées (quelques centaines) ne pourront profiter du mécanisme de la réconciliation que s’ils en font la demande eux-mêmes et acceptent le verdict d’une commission chargée d’évaluer le préjudice causé à l’Etat et d’estimer le montant des dommages à payer, assorti d’une majoration de 5% par an, depuis la date des faits reprochés.
* Ingénieur économiste.
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