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Le Congrès US appelle la Tunisie à réformer son système sécuritaire

Caid-Essebsi---Obama-Washington

Un panel du Congrès US appelle la Tunisie à refondre son fragile appareil sécuritaire si elle souhaite être reconnue comme «une démocratie à part entière.»

Par Moncef Dhambri

La semaine dernière, le panel pour le Moyen-Orient de la Commission des Affaires étrangères (AE) de la Chambre des représentants américains n’a eu aucun mal à s’entendre sur une résolution rendant hommage au peuple tunisien pour le succès de sa transition démocratique.

Cependant, à bien lire le compte-rendu de cette séance de travail de la Chambre basse du Congrès des Etats-Unis, force est de constater que les membres de cet important groupe d’experts ont une idée de la situation en Tunisie moins reluisante que celle des co-présidents du groupe parlementaire responsable du projet de loi qui a été initialement soumis à la discussion du Congrès américain.

Un législatif américain plus pointilleux

Au lieu de considérer la transition démocratique tunisienne comme allant de soi et réussie, la nouvelle mouture du projet de loi du Congrès US déclare que «la Tunisie n’y est pas tout à fait.»

Même si les rectifications apportées à la version initiale de cette proposition législative restent minimes, il est de plus en plus évident que le Congrès américain accorde désormais une attention très pointilleuse aux millions de dollars d’aide américaine promise par l’administration Obama à notre pays.

Selon la présidente du panel, Ileana Ros-Lehtinen, représentante républicaine de la Floride, «il ne fait aucun doute que le peuple tunisien s’est résolument engagé sur la voie démocratique. En de multiples occasions, depuis cinq ans, il nous a été donné de constater que la Tunisie a franchi d’importantes étapes dans cette direction. Bien sûr, nous savons tous que la tenue d’élections libres et indépendantes n’instaure pas à elle seule la démocratie et que l’établissement d’une véritable démocratie est un long parcours. Cependant, je suis plus optimiste, aujourd’hui, quant à l’avenir de la démocratie en Tunisie.»

A cette occasion, la représentante de la Floride a également exhorté les autorités tunisiennes «à garantir le respect des droits de l’Homme et la défense de l’Etat de droit», reconnaissant qu’«il reste encore de nombreux obstacles à surmonter sur cette voie.»

«Cela dit, poursuit Mme Ros-Lehtinen, avec le soutien du gouvernement des Etats-Unis, la Tunisie peut devenir la première démocratie à part entière de la région moyen-orientale et un brillant exemple que ses voisins devraient suivre.»

Cette mesure législative non-contraignante a été initialement rédigée par les représentants David Schweikert (du Parti républicain, pour l’Arizona) et Alcee Hastings (du Parti démocrate, pour la Floride). Bien que ces 2 représentants ne soient pas membres du panel de la Commission des AE, ils avaient conjointement lancé, en 2013, le Tunisia Causus(1) afin de «promouvoir l’édification d’une nation (tunisienne) stable, démocratique et amie, dans une région incertaine et en proie à de nombreux dangers», selon David Schweikert.

En début d’année, dans une déclaration au quotidien ‘‘The Arizona Republic’’, David Schweikert a expliqué que «la Tunisie reste indéniablement la seule success story de tous les soulèvements du Printemps arabe. De plus, avec son adoption d’une constitution qui offre de solides garanties aux droits humains, notre devoir moral nous dicte impérativement de la soutenir.»

Le préambule du projet de loi initial, tel qu’introduit la première fois par le duo Schweikert-Hastings, reconnaissait à la Tunisie cette distinction d’être «la seule nation arabe à avoir réussi sa transition d’un système autoritaire à un régime démocratique.»

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La police charge des manifestants sur le centre-ville de Tunis.

Bien des contretemps et bien des contre-performances  

Face aux réticences de plus en plus évidentes de ses collègues du Congrès américain, Mme Ros-Lehtinen s’est trouvée dans l’obligation de faire des concessions et de changer la version initiale de la proposition législative: le nouveau texte, adopté la semaine dernière par vote à main levée et sans opposition, déclare que «la Tunisie a réussi à se débarrasser de la dictature et elle est en voie de se démocratiser.»

Depuis janvier 2015, de l’eau a coulé sous les ponts en Tunisie: il y a eu 2 attaques terroristes (au Bardo, le 18 mars, et à Sousse, le 26 juin) qui ont coûté la vie à une soixantaine de touristes étrangers; une nouvelle loi anti-terroriste a été adoptée par l’Assemblée des représentants du peuple (ARP); l’état d’urgence a été instauré une nouvelle fois; le gouvernement d’Habib Essid donne toujours l’impression de faire du sur-place sur bon nombre de dossiers; les grèves et les protestations sont quotidiennes, etc.

Bref, bien des contretemps et des contre-performances ne finissent pas de contrarier la transition démocratique tunisienne…
Ainsi, dans un rajout à la nouvelle version de son projet de loi sur l’aide à la Tunisie, la Chambre des représentants appelle le secrétaire d’Etat John Kerry «à poursuivre le soutien à la Tunisie dans sa lutte antiterroriste et la réforme de son système sécuritaire, de façon à ce que le pays parvienne à un équilibre entre la lutte contre le terrorisme et la protection de sa transition vers la démocratie.»

Bien que l’on reconnaisse encore aux Etats-Unis les mérites de la transition démocratique tunisienne, bien que l’on s’accorde aussi sur le caractère irréprochable de la nouvelle constitution tunisienne et sur l’indépendance et la liberté exemplaires des scrutins législatif et présidentiel de 2014, certaines voix s’élèvent pour critiquer les retards pris par la Tunisie sur la refonte de son système sécuritaire. Très souvent, ces critiques américaines – officielles ou autres – s’appuient sur le récent rapport de l’International Crisis Group(2) qui reproche à l’appareil sécuritaire tunisien d’être «à la fois répressif et inefficace dans sa lutte contre le véritable danger terroriste qui menace le pays.»

Les réserves américaines qui s’expriment de plus en plus sur la capacité de la Tunisie de renforcer son système sécuritaire et ses institutions économiques ont incontestablement eu un impact sur la position du Congrès américain et son soutien à la Tunisie. Alors que, initialement, la Commission des Finances de la Chambre des représentants avait approuvé sans réserve la proposition d’aide de 134 millions de dollars (environ 262 millions de dinars, MD) requise par l’administration Obama, le Sénat, lui, souhaite que cette assistance soit réduite de 50 millions de dollars (près de 98 MD), soit une baisse de près de 40%.

Il faut donc comprendre que le soutien américain à la Tunisie n’est pas aussi inconditionnel ou totalement acquis que l’on pouvait parfois le croire. Plus pragmatiques et moins idéalistes que certains membres de l’administration Obama –y compris le locataire de la Maison Blanche lui-même –, les membres du Congrès seront à l’avenir de plus en plus sourcilleux et exigeront que l’assistance de leur pays à la Tunisie soit justifiée… par des progrès concrets.

Note:

(1) Un caucus est une coalition de congressmen américains qu’unissent des objectifs législations communs.

(2) International Crisis Group (ICG) est une Ong multinationale dont la mission est de « prévenir et résoudre les conflits meurtriers grâce à une analyse de la situation sur le terrain et des recommandations indépendantes. »
Dans son rapport, rendu public le 23 juillet dernier, l’ICG reproche « à l’appareil de sécurité intérieure tunisien d’être globalement dysfonctionnel. Il se fragmente, affirme son autonomie vis-à-vis du pouvoir exécutif et législatif, et semble incapable de combattre la montée des violences djihadistes…».

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