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Octobre musical : Bonnano et Teriaca ou le romantisme en relief

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L’ouverture, samedi, de l’Octobre musical, à l’Acropolium de Carthage, a été un grand moment d’émotion partagée avec deux musiciennes exceptionnelles.

Par Anouar Hnaïne

Très souvent l’Octobre musical nous a habitués à des ouvertures brillantes. Mais samedi dernier, la première fut étincelante à tous points de vue.

Soirée italienne où tout, absolument tout, participait à la réussite de ce concert : un public nombreux, plus de 400 personnes à vue d’oeil, un duo de jeunes filles virtuoses, un programme fascinant et une tonne d’émotions prête à exploser. Une atmosphère des grands jours, l’Octobre musical a frappé fort.

Une tournure romantique

Soir d’automne ordinaire, ciel agité dehors et deux jeunes musiciennes discrètes en salle, qui, à elles deux, n’atteignent pas 50 ans, Simona Bonanno, violoncelliste née 1994, et Ketty Teriaca, pianiste née en 1990.

Robe longue, bleue nuit pour l’une et tee shirt pantalon pour l’autre, modestie et simplicité apparente, elles attaquent en douceur le ‘‘Pezzo capriccioso en si mineure OP.62’’ de Tchaïkovski (1840-1893), où l’on remarque sans peine que la gestuelle de Bonanno enlaçant  le violoncelle est en soi un tableau mouvant, à admirer et à écouter en même temps: cou de cygne, cheveux frisés noirs, la tête penchée, elle est toute à son affaire, simplement habitée. Le morceau ordinairement teinté de caprices prend une tournure romantique, lamentos lisses pétris de chagrin. Teriaka au piano à sa gauche lui donne le ton, un avant-goût qui pétrifie littéralement le public.

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Ketty Teriaca, pianiste, et Simona Bonanno, violoncelliste.

L’‘‘Elégie en do mineur op.24’’ de Gabriel Fauré (1845-1924) a été écrite pour violoncelle et piano. Elle  fut arrangée et interprétée aussi avec orchestre. Une élégie d’une tristesse poignante. Bonanno s’y est investie corps et âme. Sans grandiloquence ni démonstration, elle conduit l’œuvre comme une respiration frémissante arrachée à son corps, le timbre de cordes clair, éclatant d’autorité déploie une palette de sensations (forcément mélancoliques, plaintifs, bref élégiaques).

Gémissement du violoncelle

Discrétion, murmures de notes, échanges sublimes entre le gémissement du violoncelle et les réponses en mouvements lents du piano. Un dialogue? Plutôt une prière, un soupir des âmes éplorées. L’élégie invite à un lyrisme quasi «lamartinien» serrant les cœurs. Le public communie en silence, peut-il en être autrement?

Et ça continue sur un autre registre avec des mouvements de la ‘‘Sonate en sol mineur pour violoncelle et piano op.19’’ de Serge Rachmaninov (1873-1943), un délice animé de mouvements plus rapides, diaphanes, plus enflammés que le précédent morceau (Rachmaninov a composé cette sonate en sortant d’une dépression).

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Le public est acquis, le silence aidant.

‘‘At the Fountain op.20 n.2’’ de Karl Davydov (1838-1889) est un morceau connu qui requiert une expérience du violoncelle. L’auteur était un maitre de cet instrument et Bonanno y a va sans bride; elle  accélère le rythme : vivacité, agilité, phrasé fin, mouvements d’archets courts, course désespérante, on est encore en période romantique. Silence dans la salle. Les musiciennes saluent, un tonnerre d’applaudissements somme toute attendu. Pause.

Retour. ‘‘Sonate en Ré mineur pour violoncelle et piano op.40’’ de Dmitri Chostakovitch (1906-1975), l’une des célèbres sonates en 4 mouvements, ‘‘Allegro non troppo, Allegro, Largo et Allegro’’, plusieurs fois révisée par le compositeur, elle fut abondamment jouée. Le duo Bonanno et Teriaca se sont donné à cœur joie, le son, l’esprit du morceau étouffent toute objection.

Le public est acquis, le silence aidant; elles furent sollicitées (évidemment) par des rappels. Lumières, miracle, l’Acropolium fut soudain baigné d’une lumière de vitraux.

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