La Tunisie célèbre, le 17 octobre, la journée nationale du don d’organes. Mais ce n’est pas le don d’organes qui fait défaut mais un programme national performant.
Par Dr Aziz El Matri*
Chaque année, près de 1000 nouveaux patients atteints d’insuffisance rénale chronique viennent grossir les rangs des 10.000 malades régulièrement dialysés et qui aspirent à la greffe rénale.
Ce traitement, qui a débuté en Tunisie en 1986, a évolué régulièrement de 40 interventions par an à 120 en 2010 pour stagner à ce chiffre jusqu’à nos jours. Il représente une moyenne de 12 greffes par million d’habitants et par an alors que la moyenne en Europe est de l’ordre de 30.
Accumulation du stock de patients en hémodialyse
Ainsi, sans tenir compte du stock des anciens malades en attente, la greffe rénale représente actuellement moins de 10% des possibilités de traitement, comparée à la dialyse qui assure le reste. Ceci n’est pas du au manque de donneurs mais au manque de structures adéquates et de personnel. Ainsi, chaque année des dizaines de donneurs apparentés d’organes attendent plusieurs mois avant de pouvoir faire bénéficier leurs parents de leur don.
Cette situation de déséquilibre entre les besoins et la possibilité de greffe a entrainé une accumulation régulière du stock de patients en hémodialyse nécessitants théoriquement la création d’au moins 10 nouveaux centres de dialyse. Mais cela n’a pas été le cas au cours des 20 dernières années jusqu’en 2014.
Selon une option prise par les différents gouvernements depuis plus de 38 ans, les possibilités de traitement par hémodialyse se sont développées plus rapidement dans le secteur privé que dans le secteur public ce qui fait que c’est le secteur privé qui assure actuellement le traitement de plus de 75% des patients.
Préserver la qualité des soins
Cependant le tarif de remboursement par les organismes de sécurité sociale relayés par la CNAM à partir de 2007 a stagné à 87 dinars, depuis 38 ans ce qui ne permet plus d’assurer des soins de la meilleure qualité. D’ailleurs, une étude officielle faite par les ministères de tutelle en 2013 a évalué le prix de revient de la séance à une moyenne de plus de 100 dinars soit nettement au-dessus du tarif de remboursement. Peux-on faire de la dialyse de qualité dans ces conditions? Certainement pas. Ainsi, outre les cliniques de dialyse qui risquent de fermer leurs portes, c’est la qualité des soins qui risque d’en pâtir mettant en danger la santé des malades et compromettant leur survie.
A l’occasion de cette journée du don d’organes les autorités soucieuses de l’équité et des qualités des soins sont invitées à prendre en considération cette situation gave en se fixant deux objectifs :
– développer plus la greffe d’organes en améliorant les conditions qualitatives et quantitatives de travail dans les hôpitaux ;
– améliorer les conditions de dialyse en assurant aux cliniques spécialisées une rémunération juste, afin de faire arriver les malades à la greffe dans les meilleures conditions.
La médecine a un coût, dont il faut tenir compte, mais elle n’a pas de prix.
* Professeur de néphrologie, président de (Tunis Dialysis Center (Tunidial), fondateur de la Société Tunisienne de Télé-médecine et e-Santé.
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