La cérémonie d’ouverture des Journées théâtrales de Carthage (JTC-2015), vendredi dernier, s’est déroulée dans la morosité d’une chaude journée automnale.
Par Hamadi Abassi
C’est dans la morosité d’une chaude après-midi que le Théâtre municipal de Tunis a, vendredi dernier, déployé le tapis rouge pour accueillir les invités de la cérémonie d’ouverture de la 17e session des Journées théâtrales de Carthage (JTC), placée sous le thème «Théâtre et droits humains».
Animation musicale sur le terre-plein central de l’Avenue Bourguiba.
La cérémonie officielle fut sans éclat et placée sous la haute surveillance des forces de l’ordre gardant les abords de la «bonbonnière» de l’Avenue Habib Bourguiba.
Dans les rues amorphes de la ville, rien n’a été fait pour accorder l’aura nécessaire à cet évènement.
Une scène qu’on achève de monter, érigée à proximité du théâtre, promet quelques réjouissances pour une ville livrée à son ennui ordinaire. Une formation de «tabel et zakar» s’époumone pour ameuter les curieux.
« Tabel et zakar » pour ameuter les badauds.
Sur les marches du théâtre, pas de bousculade, ni de montée des marches de célébrités, mais des séances de selfies de nombreux anonymes qui tiennent à immortaliser ainsi leur présence à cette fête du 4e art.
Hommage au théâtre et aux comédiens
La cérémonie officielle, rehaussée par la présence de la ministre de la Culture et de Sauvegarde du patrimoine, Latifa Lakhdhar, réservée comme à son habitude, a, cependant, débuté par un prélude original, un hommage au théâtre et aux comédiens, mis en scène par Dali Ben Jemaa : un spectacle poétique, dynamique et sensuel où alternaient, avec beaucoup de grâce, théâtre, musique, opéra, tango, danse contemporaine et acrobaties aériennes… Ce «métissage» de formes et de disciplines artistiques nous a, tout de même, changé des précédentes ouvertures des JTC, guindées et très officielles. Un bon point à mettre à l’actif des organisateurs.
Lassaad Jamoussi annonce l’ouverture de la session.
Dans son allocution d’ouverture, Lassad Jamoussi, le directeur de la session, a fait un succinct état des lieux, en rappelant la nécessité de démocratiser davantage le théâtre et de lui assurer une plus large diffusion dans le pays. Il a insisté aussi sur les nécessaires soutien et encadrement des créateurs par des moyens adaptés à leurs besoins. Ce message a été réaffirmé par la ministre Latifa Lakhdar, qui a évoqué les nouvelles options envisagées pour, notamment, protéger les artistes en situation de vulnérabilité. Elle a parlé de la déclaration de Carthage, fruit d’une initiative des JTC, qui, une fois signée par le plus grand nombre de personnalités et d’institutions concernées par la culture et les droits de l’homme, sera soumise au gouvernement tunisien, qui la soumettra, à son tour, à l’organisation des Nations Unies, en espérant que ses recommandations seront entérinées et mise en application.
Le clash de la soirée
Pour mieux souligner cette urgence, une voix off a déclamé les noms des nombreux comédiens tunisiens en situation de vulnérabilité, morts dans la précarité, alors que leurs portraits étaient projetés sur scène.
Ces moments émouvants se sont prolongés avec l’hommage rendu à feu Ezzedine Gannoun, fondateur de l’Espace El Hamra, par ses élèves de l’Arabe Center, pour son apport à l’art du théâtre et pour ses qualités de formateur et de pédagogue.
Appel à protéger les artistes en situation de vulnérabilité.
Appelé à monter sur scène pour remettre le prix Ezzedine Ganoun pour «La production théâtrale», d’un montant de 10.000 dollars, décerné par El-Maoured à une lauréate égyptienne, le producteur et directeur de l’espace Le Rio, Habib Belhedi, a annoncé la remise d’un second prix appelé «Prix de la citoyenneté» décerné au «Raïs enniyaba el-khoussoussia» (maire) de la ville de Tunis pour… le sort déplorable qu’il a réservé au Théâtre municipal de Tunis et à la Troupe théâtrale de la ville de Tunis !
Ce clash, on l’imagine, n’a pas manqué de déclencher un sourd remous parmi l’assistance.
‘‘Les Monstres’’ sont dans la ville !
Avec la représentation de ‘‘Monstranum’s’’ par la compagnie de l’Espace El Hamra, la cérémonie d’ouverture des JTC s’est achevée avec une pièce mordante et grave, cruelle, écrite par Leïla Toubel et mise en scène par feu Ezzedine Ganoun : une immersion dans une réalité sombre et glauque où pataugent, rampent et s’affrontent des «monstres» animés par la quête du pouvoir. C’est aussi un sinistre ballet de chaises virevoltantes et une vertigineuse chorégraphie où des créatures complotent dans l’ombre, manipulent et tirent les ficelles d’une lamentable comédie humaine, inspirée de la réalité post révolutionnaire tunisienne.
Scène de « Monstranum’s », dernière création de feu Ezzeddine Ganoun.
A cette pièce captivante et poignante, il n’a finalement manqué, ce soir-là, que l’humanité et la générosité d’ordinaire incarnées par la tragédienne Leïla Toubel, absente de la distribution.
Cette absence, inexpliquée autant que regrettable, n’a pas manqué pas de soulever des interrogations ?
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