Jacob LaLoush ou Lelouche (Ph. John Poole/NPR).
Le restaurant kasher ‘Chez Mamie Lily’, à La Goulette, banlieue nord de Tunis, met la clé sous la porte. C’était le dernier de la capitale.
Par mesure de sécurité, les autorités ont conseillé à Jacob LaLoush (ou Lelouche), le propriétaire de cet établissement, un juif tunisien, de fermer boutique.
Ceci est une des nombreuses répercussions du Printemps arabe et de la Révolution du 14 janvier 2011, en Tunisie. Le restaurant juif ne servira plus ses clients, car il y aurait un sérieux risque d’une attaque terroriste. C’est ce qu’a rapporté, samedi 7 novembre 2015, le site ‘‘NPR’’.
L’auteur de ce reportage radiophonique, Steve Inskeep, se souvient de sa découverte, il y a trois ans, de ce restaurant, «dernier havre» de la communauté juive de Tunisie. De passage en Afrique du nord, le journaliste américain avait fait escale à Tunis et pris table chez Jacob LaLoush.
«Des amis m’avaient parlé de ce petit restaurant juif-tunisien et m’avaient vivement recommandé sa vodka tunisienne, la boukha. Je ne pouvais donc pas rater cette occasion, en 2012», écrit Steve Inskeep.
Ce jour-là, Jacob LaLoush avait expliqué à ces visiteurs venus du bout du monde que «la boukha était l’incontournable boisson alcoolisée de toutes les célébrations juives. D’ailleurs, la liqueur de figue a fini par se généraliser, pour devenir un produit typique de la Tunisie – autant que la vodka pour les Russes ou les Européens de l’est.»
M. LaLoush pousse plus loin son analyse, arguant que «consommer pareille liqueur lorsqu’on est juif ou non-juif, dans un pays majoritairement musulman, a fini par devenir synonyme de liberté et d’indépendance d’opinion.»
Telle était la situation et Jacob LaLoush pouvait continuer, contre l’avis de son médecin, à célébrer cette liberté d’opinion et de mode de vie.
Lily, la mère de Jacon LaLoush, et Hedia Ben Mahmoud concoctent les plats. (Ph. John Poole/NPR).
«Plus maintenant en 2015, écrit Steve Inskeep, car la Révolution est passée par-là. Jacob LaLoush ferme son restaurant. Joint par téléphone, il nous a dit que les autorités l’ont mis en garde contre une possible attaque. Il tient compte de cet avertissement. ‘‘Par souci pour le bien-être de mes clients, pour la sécurité de ma mère et la mienne, je suis dans l’obligation de fermer boutique’’ nous a-t-il déclaré.»
Le restaurateur n’abandonnera pas pour autant. Il promet de rouvrir ailleurs –toujours dans le même voisinage – et de proposer les mêmes menus. Il s’agira d’une simple «délocalisation» et la vie, espère-t-il, continuera comme avant. Avec un petit changement dans l’accueil: l’établissement ne recevra les clients que sur invitation.
Marwan Chahla
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