Habib Essid*, le supposé chef du gouvernement, ne doit sa chefferie qu’à sa docilité et sa soumission aux désidératas de ses mentors, Caid Essebsi et Ghannouchi.
Par Tarak Arfaoui
Le dernier remaniement ministériel concocté par le chef du gouvernement Habib Essid, attendu avec impatience depuis 3 mois, est tombé comme un couperet sur la tête des plus optimistes qui espéraient un réel changement.
Ce remaniement est malheureusement tout à fait à l’image du folklore politique dans lequel est plongé la Tunisie, où les combines, le clanisme et les accointances de toutes sortes sont devenus les ingrédients essentiels de la vie politique.
L’inaction gouvernementale
Cette doctrine insidieuse du fameux «tawafek» (consensus) chère au président Béji Caid Essebsi, dont M. Essid est l’exécutant, est le meilleur garant de la continuité de l’inaction gouvernementale, de ses tergiversations et de ses échecs.
A la lecture de ce remaniement, il ne fait aucun doute qu’il a été ficelé en sous-main par Carthage et Montplaisir, et que M. Essid a du jouer à fond les funambules pour ne pas «se faire remanier» lui-même.
Faut-il rappeler que M. Essid n’a pas cessé de marteler qu’après un an de gouvernance, un audit de l’action des différents ministres sera effectué au bout duquel certaines nominations seront évaluées et des décisions de révocation prises «sans aucune complaisance» à l’encontre des ministres insuffisants.
En parlant de complaisance, M. Essid connait bien son affaire. Il est évident qu’il n’a pas tenu parole, ligoté comme il est par ses obligations vis-à-vis de ses partenaires politiques essentiellement Ennahdha et Nidaa Tounes auxquels il doit une allégeance sans faille.
Sinon comment expliquer que certains ministres les plus inefficaces ont été reconduits et d’autres plus méritants rapidement virés.
Les ministres de Nidaa Tounes qui ont fait allégeance au clan de Ridha Belhaj et Hafedh Caid Essebsi ont été reconduits. Ceux des autres partis de la coalition ne doivent leur survie qu’aux impératifs politiques de la coalition.
Les manigances partisanes
Zied Ladhari, le plus transparent de tous les ministres, a réussi l’exploit, comme ministre de la Formation professionnelle et de l’Emploi, de garder… son emploi, grâce à son protecteur Rached Ghannouchi.
La ministre du Tourisme et de l’Artisanat, Selma Elloumi Rekik, dont le secteur est en perdition totale et qui est, de surcroit, empêtrée dans les chamailleries sans fin de son parti, Nidaa Tounes, a été reconduite sur les recommandations expresse de Caid Essebsi.
Slim Chaker, ministre des Finances, qui a réussi la prouesse de faire baisser le prix du litre d’essence de 2% et qui a inventé la TVA sur la maladie (!), tient toujours le haut du pavé, du fait de son activisme effréné pro Hafedh Caid Essebsi.
Othman Battikh, ministre des Affaires religieuses, qui a eu le culot de s’opposer aux salafistes n’a pas, quant à lui, résisté à la vindicte d’Ennahdha et a plié bagage.
Il en est de même de Taïeb Baccouche, ministre des Affaires étrangères, qui s’est réveillé trop tard de sa léthargie, victime d’un croc en jambe du palais de Carthage qui l’a éjecté à la dernière minute. Il avait pourtant exprimé tapageusement – et très maladroitement – son allégeance à Hafedh Caïd Essebsi, croyant pouvoir ainsi sauver son confortable maroquin.
Les nouveaux ministres fraichement nommés, excepté Khemaies Jhinaoui, ministre des Affaires étrangères, diplomate de carrière à la stature reconnue, partent déjà avec une opinion défavorable du fait de leur inexpérience, puisqu’ils ne doivent leurs postes qu’aux manigances partisanes.
Les urgences peuvent attendre
Quand à M. Essid, le supposé chef du gouvernement, il ne doit sa chefferie qu’à sa docilité et sa soumission aux désidératas de ses mentors, Caid Essebsi et Ghannouchi.
Quant au chômage, à l’insécurité et au marasme économique, qui perdurent depuis bientôt cinq ans sans résolution, ils peuvent encore attendre. Bien encadré par des conseillers à la teinte islamiste prononcée et ayant de supers prérogatives dans des postes stratégiques, il ne fera aucune action d’envergure et ne portera aucun préjudice aux intérêts d’Ennahdha.
Les dossiers compromettants de la désastreuse gestion islamiste sous la houlette des anciens chefs du gouvernement Hamadi Jebali et Ali Larayedh croupiront dans les tiroirs et attendront la constitution d’un autre gouvernement avec d’autres hommes et une autre politique pour être dépoussiérés.
Ce sera, on l’imagine, après que Caïd Essebsi et Ghannouchi ne seront plus de ce monde !
* Médecin.
** Essid signifie lion en arabe tunisien.
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