Ce qui empêche la Tunisie de mettre toute son énergie dans des programmes créateurs d’emploi, c’est la faiblesse de l’attelage gouvernemental actuel.
Par Rachid Barnat
On assiste en ce moment à des mouvements de revendications dans certaines régions de la Tunisie et cela devrait interpeller plus sérieusement le pouvoir.
On peut d’abord penser que ces personnes, souvent jeunes, sont manipulées par des politiques qui auraient intérêt à créer le désordre. Mais ce serait une analyse très insuffisante.
Peut être existe-t-il des agitateurs? Certainement. Mais ils ne pourraient rien, s’il n’y avait pas un réel problème politique, économique et social avec l’aggravation du chômage et des inégalités régionales contre lesquelles le pouvoir n’a pas pris les mesures énergiques nécessaires.
Les démagogues et les irresponsables
Si ces agitateurs existent, il est clair que ce sont des démagogues et des irresponsables qui vont précipiter encore plus le pays dans l’échec; et c’est tout simplement, disons-le, une trahison. Pensent-ils un seul instant qu’ils dégradent encore plus la situation de ces pauvres gens?
Hamma Hammami qui reconnait avoir participé à ces manifestations, même s’il se défend d’encourager la violence, se rend-il compte qu’il ruine son pays et qu’il nuit gravement à ceux qu’il prétend défendre? Il a déjà montré dans le passé son irréalisme idéologique et il laissera une toute petite trace dans l’histoire, celle d’un fossoyeur de son pays, en tenant le rôle de l’idiot utile, comme à son habitude. Rappelez-vous le sit-in Kasbah 2, début 2011, quand il a soutenu les Frères musulmans qui appelaient à changer de constitution, comme si le communiste qu’il est ne se doutait pas que la nouvelle constitution sera théocratique! Voilà qu’il récidive aux côtés des sinistres Ligues de protection de la révolution (LPR), manipulées par le crypto-islamiste Moncef Marzouki, qui n’en est pas à son premier coup !
Une occasion aussi pour d’autres opposants tombés dans les oubliettes, pour faire parler d’eux.
Il n’est pas impossible non plus que les Frères musulmans d’Ennahdha, toujours prompts à semer le chaos, qu’ils ne soient aussi derrière ces soulèvements. Rappelez-vous ce que disait d’eux feux Chokri Belaid : «Ils recourent toujours à la violence, pour résoudre toutes difficultés d’ordre politique qu’ils rencontrent»! Or des difficultés commencent à pointer depuis que leur allié, Nidaa Tounes, est dans la tourmente.
La désespérance de ces jeunes ne doit pas, en effet, être traitée à la légère mais la solution ne peut être le résultat d’un claquement de doigt. Elle ne viendra que de la fin de la crise politique qui mine le pays et qui a été à l’origine de manière indiscutable du recul du tourisme, de la fuite des investisseurs et de la baisse du pouvoir d’achat.
Que faudrait-il faire ? Il y a une comparaison qui est très révélatrice du problème et de sa solution: c’est la comparaison avec le Maroc.
Demandons-nous pourquoi le Maroc se développe de manière assez spectaculaire et pas la Tunisie? Il y a, à mon sens deux raisons essentielles.
Méditer l’exemple marocain
La première est que le Maroc a un pouvoir fort et qu’il ne connaît pas ou peu de crise politique. Or l’histoire montre que les investisseurs, ceux qui créent des entreprises, n’investissent, et on les comprend, que lorsque le pays est sérieusement gouverné et n’est donc pas à la merci de chamboulements imprévisibles.
La Tunisie, en ce moment, a tout sauf un pouvoir fort et cela pour plusieurs raisons. La première raison est constitutionnelle: le mode d’élection de la chambre qui, en émiettant la représentation nationale, entraîne une impossibilité de mener une réelle politique. Tant que la constitution ne sera pas réformée sur ce point de manière à permettre que se dégage par l’élection une majorité stable, on sera dans la même incohérence politique et l’on n’aura pas de vrai programme économique et social.
Par ailleurs, la présence des partis qui instrumentalisent la religion dont on connaît le pouvoir de nuisance et la volonté de régression. Ils éloigneront, tant qu’ils seront là, les investisseurs qui craindront les dérives et les violences possibles. Ces partis ont montré dans de nombreux pays, comme l’Egypte, la Turquie et la Tunisie, lorsqu’ils sont au pouvoir, leur corruption et leur incompétence.
La deuxième raison est que le Maroc a fait clairement un certain nombre de paris sur l’avenir et que ces paris sont en voie d’être réussis grâce aux sommes importantes investies.
Le Maroc a su, en effet, contrairement à la Tunisie, réparer l’injustice régionale que ce pays avait connue du temps d’Hassan II. C’est tout ce qui s’est passé pour développer prioritairement la région de Tanger jusqu’alors délaissée.
C’est ensuite le choix politique d’un tourisme haut de gamme, rendu possible par la sécurité venue elle-même de ce pouvoir fort.
C’est enfin le choix de développer de manière volontaire et énergique le domaine des ports et celui des énergies renouvelables.
Ce qui empêche la Tunisie de faire ces choix et de mettre toute son énergie dans des programmes porteurs d’emploi, c’est la faiblesse de son pouvoir et l’attelage gouvernemental actuel qui tire à hue et à dia.
Ceux qui manipulent ces pauvres gens désespérés, sont malhonnêtes s’ils ne leur expliquent pas cela et si au lieu de fomenter des désordres qui plongent le pays un peu plus dans la crise, ils n’œuvrent pas pour en terminer avec la crise politique.
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