A la mémoire de Chokri Belaid, dirigeant du Front populaire, assassiné par des extrémistes religieux, le 6 février 2013.
Par Kamel Essoussi*
Trois ans après, jour pour jour, je les vois pompeux au pouvoir en costume cravate, le porte- feuille bien rembourré avec leurs dernières augmentations de 900 dinars, souriants, heureux, fiers d’occuper des postes de ministres, passant le témoin les uns aux autres, au milieu d’un parterre d’invités pas tous catholiques, ni islamistes d’ailleurs.
Quel beau mélange réconcilié de cette classe politique où se côtoient les assassins, les violeurs de conscience, les illuminés de Dieu, les califes ratés, les tortionnaires d’antan, des illustres inconnus, et ce vieux Béji, toujours là, qui n’en finit pas de s’éterniser au pouvoir et ne risque pas grand-chose pour venir nous rejoindre au Jellaz.
Brrrrr, il me fait froid au dos ce Larayedh avec sa chevelure toute noire et son silence. Il est seul à s’apercevoir que je suis là à flotter dans l’immense salle du palais et il semble quelque peu gêné, effrayé à l’idée de rejoindre sa cellule du 9-Avril de triste mémoire. Faites gaffe c’est une bête traquée capable du pire qui sait que sa fin approche à l’image de tous les Frères musulmans.
Mince, il y a Besma qui pleure dans une cérémonie toute autre du côté d’El-Menzah avec les enfants, les camarades. Elles ont bien mûri mes trois chéries et sont bien dignes dans leurs douleurs et leurs larmes mais je sais qu’elles sont fières de moi et ça les aide à supporter.
Bref, je vois que vous avancez mais très lentement. Ce n’est pas grave. On y arrivera. Vu de là-haut par satellite divin, je sais que nous sommes sur le bon chemin.
Allez les potes, je vous laisse. Je dois aller défendre quelques crétins de Daéchois auprès du juge suprême qui risquent l’enfer. D’ailleurs, je compte introduire une procédure d’amendement de ses lois sur la question des sanctions que je trouve inhumaines. C’est, peut-être, pour ça qu’elles sont divines (tiens!).
Allez, à plus, et demain sera un autre jour pour le plus beau pays du monde : le nôtre.
* Haut fonctionnaire.
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