Accueil » Quelle place pour la finance islamique dans le marché financier tunisien?

Quelle place pour la finance islamique dans le marché financier tunisien?

Zitouna-Banque

Banque Zitouna milite en faveur d’une nouvelle loi bancaire lui permettant d’opérer sur le marché financier sans déroger à la déontologie islamique.

Par Wajdi Msaed

«Nous vivons une réelle expérience en matière d’ingénierie financière avec la mise au point de deux produits pour développer la finance islamique», a déclaré Ezzeddine Khoja, Pdg de la Banque Zitouna, lors d’un point de presse tenu en marge du colloque sur «les modèles récents des sukuks souverains et privés», organisé, lundi 22 février 2016, au siège de cette banque, au Kram, au nord de Tunis.

La finance islamique à la croisée des chemins

Il s’agit d’un premier titre islamique émis en Tunisie et basé sur des titres participatifs qui ont pu capter des investisseurs institutionnels (banques, sociétés d’assurance, fonds d’investissement…) avec un rendement attendu de 8% payable sous forme d’une avance de 6% et d’un complément, qui variera selon les résultats de la banque et pourra atteindre 2%.

D’un autre côté, la banque ambitionne de contribuer à la structuration des sukuks (équivalent islamique des obligations) souverains.

Parlant de l’évolution enregistrée par la Banque Zitouna depuis sa création en 2009, M. Khoja a indiqué que cet établissement spécialisé dans la finance islamique se prépare à mettre en place, pour la période 2016-2020, une nouvelle stratégie et un business plan lui permettant de devenir une banque de référence en Tunisie et la banque islamique leader en Afrique. «Cette stratégie nécessite des ressources stables pour réaliser une croissance équilibrée et respecter les exigences réglementaires de solvabilité», a-t-il précisé.

En attendant la nouvelle loi bancaire

Lors du colloque, auquel ont pris part, notamment, Elyes Fakhfakh, ex-ministre des Finances (2013), qui a été à l’origine de la loi autorisant l’émission des sukuks restée sans décrets d’application, Chedly Ayari, gouverneur de la Banque centrale de Tunisie (BCT), a révélé que la nouvelle loi bancaire tant attendue est en cours de finalisation pour être examinée par le conseil des ministres avant d’être soumise à l’Assemblée des représentants du peuple (ARP).

«Cette loi comprend tout un chapitre qui traite de la finance islamique», a-t-il précisé; ce qui permettra aux banques opérant dans ce domaine de participer au marché monétaire interbancaire conformément aux nouvelles dispositions, à la réglementation en vigueur et aux principes de la charia.

Banque Zitouna ne cesse de militer en faveur de la promulgation de cette loi, car elle demeure exclue du marché financier, la déontologie islamique ne lui permettant pas d’opérer sur des actifs offrant des taux d’intérêt.

Le président du Conseil du marché financier (CMF), Mohamed Salah Sael, a approuvé cette démarche en soulignant que «le volume de l’épargne islamique pourrait contribuer à booster l’investissement public et privé en Tunisie». «Le CMF, a-t-il ajouté, envisage d’ajuster la réglementation en vigueur pour mettre en place un compartiment d’émission de titres souverains et privés et un marché secondaire pour la négociation des sukuks».

Vaincre les réticences

Le gouverneur de la BCT a admis, pour sa part, l’existence d’une certaine réticence chez beaucoup de Tunisiens, et même parmi le staff de la banque centrale, à l’égard de ce nouveau mécanisme de financement islamique.
L’ancien ministre des Finances Jalloul Ayed (2011) s’est montré, pour sa part, très favorable au lancement de ce produit. «Il faut le légaliser pleinement», a-t-il estimé, basant son plaidoyer sur la croissance enregistrée sur le marché financier international depuis le démarrage des sukuks en 2002 : il y a eu 180 émissions de sukuks souverains en 2014 et l’encours de la dette souveraine en sukuks a atteint 350 milliards de dollars, a-t-il rappelé.

Pour répondre à la réticence de certains, l’ex-ministre des Finances a cité l’exemple du Luxembourg et de la Grande Bretagne, qui ont déjà émis des sukuks souverains. A elle seule, la Grande Bretagne a émis, en 2013, un bloc de 200 millions de livres sterling sur 10 ans, a-t-il souligné. Dans le continent africain, le Sénégal et l’Afrique du Sud ont déjà fait le pas et ils seront bientôt suivis par le Nigeria.

Baisse d’intérêt pour les suskuks

Ne doit-on pas cependant s’attendre à un tassement du marché des sukuks, sous l’influence de la baisse du prix du pétrole, qui affecte gravement les ressources financières des pays exportateurs de pétrole et notamment ceux du Golfe, principaux animateurs de ce marché ?

Les perspectives de la finance islamique risquent d’être affectées aussi par la décision récente de la banque centrale de Malaisie d’arrêter l’émission de sukuks, ainsi que par la baisse de 40% de l’enveloppe globale des sukuks en 2015 par rapport à 2014, comme l’a rapporté récemment Mohamed Damak, responsable de la finance islamique chez Standard & Poors, à Express FM.

«En définitive, les émissions de sukuks en 2016 devraient totaliser 50 à 55 milliards de dollars contre 63 milliards de dollars en 2015», a précisé Mohamed Damak, pour souligner cette baisse d’intérêt pour les obligations islamiques.

Donnez votre avis

Votre adresse email ne sera pas publique.

error: Contenu protégé !!