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Bouchamaoui aux Américains: «La paix en Libye résoudra 80% des problèmes de la Tunisie»

Wided-Bouchamaoui-Utica

Pour que la jeune démocratie tunisienne réussisse, les Etats-Unis devront accroître leur soutien à la Tunisie et œuvrer à une solution politique en Libye voisine.

Synthèse et traduction de l’anglais par Marwan Chahla

C’est ce qu’a déclaré Wided Bouchamaoui, présidente de l’Union tunisienne de l’industrie, du commerce et de l’artisanat (Utica) et lauréate du prix Nobel de la Paix 2015, dans un entretien au site ‘‘Al-Monitor’’, basé à Washington.

«Les jeunes Tunisiens revendiquent le droit à l’emploi»

Wided Bouchamaoui a présenté, cette semaine, ce point de vue auprès de responsables américains et internationaux lors d’un passage éclair dans la capitale américaine, à l’invitation de la Banque mondiale et l’International Republican Institute (IRI)(1).

Elle a indiqué que la solution de la crise en Libye pourra résoudre 80% des problèmes auxquels la Tunisie est confrontée, en améliorant les conditions sécuritaires dans le pays et en permettant la relance de l’activité de son économie.

«Aujourd’hui en Libye, c’est le chaos total. Les populations franchissent les frontières sans aucun contrôle –ou presque. Et la Tunisie est en train de souffrir de cette situation», rappelle-t-elle.

Les récents attentats terroristes, qui ont porté gravement atteinte à l’industrie tunisienne du tourisme, ont obligé le pays à accroître sensiblement ses budgets de la défense et de la sécurité, a-t-elle poursuivi: «ces dépenses ont enregistré des bonds vertigineux depuis le déclenchement du Printemps arabe. Certes, ces investissements sont indispensables et cruciaux, mais ils ont ravi la priorité de rang aux dépenses sociales, à un moment où les jeunes Tunisiens, que le rêve démocratique avait enthousiasmés, revendiquent le droit à l’emploi et à un mieux-vivre», indique-t-elle.

«Un des principaux facteurs de la Révolution a été le déséquilibre économique entre les régions. Ainsi, les populations espéraient que des investissements plus importants allaient être faits dans le développement des régions marginalisées. Bien sûr, cela est en train de se réaliser, mais le problème c’est qu’une partie non-négligeable de ces dépenses est allouée au renforcement des contrôles frontaliers. Par conséquent, nous faisons face à une situation où il s’agit pour nous de résoudre un problème dont nous ne sommes d’aucune manière responsables», explique-t-elle. Et d’insister : «La reconnaissance internationale est une chose agréable. Elle nous procure une énorme joie, mais c’est d’un soutien concret dont notre transition démocratique a besoin pour qu’elle réussisse entièrement.»

Invitation à Obama à visiter la Tunisie

Lors de son séjour à Washington, Mme Bouchamaoui a eu, notamment, l’occasion de s’entretenir avec Erik Paulsen, le représentant républicain du Minnesota qui a introduit, en mai dernier, une motion auprès de la Chambre des représentants pour entamer des négociations en vue de conclure un accord de libre-échange avec la Tunisie.

Commentant cette initiative du représentant Paulsen, la présidente de l’Utica a fait observer que pareil accord, s’il obtenait l’aval des législateurs américains, stimulerait les exportations de produits tunisiens vers les Etats-Unis et renforcerait encore plus la réputation de la Tunisie à l’échelle mondiale, ajoutant qu’une telle mesure n’aurait pas sur l’économie des Etats-Unis le type d’impacts qui compliquent la conclusion de traités commerciaux plus ambitieux avec l’Union européenne et les pays d’Asie et du Pacifique.

«Nous souhaitons être un vrai partenaire des Etats-Unis, et non pas simplement un sous-traitant», dit-elle avec beaucoup d’insistance.

Le court séjour américain de Mme Bouchamaoui a été intensément meublé par des rencontres multiples et variées, notamment avec des responsables de la Banque mondiale et du département d’Etat, ainsi que le conseil d’administration de l’Overseas Private Investment Corporation (OPIC)(2) et des représentants du US Institute of Peace (l’Institut des États-Unis pour la paix, une institution du Congrès des États-Unis).

Une dame au franc-parler, Wided Bouchamaoui a également engagé les Etats-Unis à offrir aux jeunes Tunisiens des bourses d’études supérieures plus nombreuses et de longue durée. Elle a appelé à plus d’investissements américains en Tunisie et joint sa voix à celle de ceux qui demandent au président Barack Obama – «un camarade lauréat du Nobel de la Paix», fait-elle remarquer au passage – d’entrer dans l’histoire en étant le premier président des Etats-Unis en exercice à visiter la Tunisie, depuis Dwight Eisenhower en sa dernière année à la Maison Blanche.

«Franchement, j’estime que nous méritons bien une visite présidentielle. Depuis la Révolution, nous avons l’honneur de recevoir des chefs de gouvernement du monde entier», conclut-elle cet entretien.

Notes:

(1)L’International Republican Institute (IRI) est une organisation politique basée à Washington, aux États-Unis. Il est informellement lié au Parti républicain et opère avec d’autres think tanks néolibéraux et groupes d’études des affaires étrangères. Son source principale de financement provient du gouvernement des États-Unis.
La mission déclarée de l’IRI est de « soutenir la croissance des libertés politiques et économiques, de la bonne gouvernance et des droits humains autour du monde par l’éducation des gens, des partis politiques et des gouvernements sur les valeurs et les pratiques de la démocratie. » (Wikipédia).

(2)L’Overseas Private Investment Corporation (OPIC) est l’institution du gouvernement fédéral des Etats-Unis chargée du financement du développement à l’étranger.

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