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Ce jour-là : 9 avril 2012, le lundi noir du printemps tunisien

9-avril-2012

Pour ne pas oublier ce qui s’est passé le 9 avril 2012, à l’Avenue Bourguiba, à Tunis, le «lundi noir du printemps tunisien» qui a viré à l’hiver islamiste.

Par Dr Sami El Mekki *

La Tunisie a commémoré, ce samedi 9 avril, le 78e anniversaire des événements du 9 avril 1938.

Voici pour les jeunes générations et pour rafraîchir la mémoire de certains ingrats amnésiques, le déroulement de ces événements qui ont constitué un tournant décisif dans la lutte de la libération nationale et qui vont mener la Tunisie vers la voie royale de l’indépendance.

La mémoire des martyrs de la nation

Ces événements, liés aux revendications de réformes politiques et d’un parlement tunisien, ont abouti à la sanglante fusillade du 9 avril 1938, qui a marqué d’une manière indélébile le mouvement national tunisien.

Le 21 juin 1937, le gouvernement français du Socialiste Léon Blum, qui a mené une politique d’ouverture envers les colonies, est poussé à la démission, en raison de la crise économique qui a secoué la France.

La chute du Front populaire et le durcissement de la politique de la Résidence Générale ont amené le Néo-Destour à retirer sa confiance au gouvernement français et à appeler à une grève générale. Les autorités coloniales ont alors anticipé et procédé à l’arrestation des leaders nationalistes, à leur tête le combattant suprême Habib Bourguiba, avec comme chef d’accusation : incitation à la haine raciale, atteinte aux intérêts de la France en Tunisie et complot contre la sûreté de l’Etat.

En représailles, des heurts sanglants entre les manifestants nationalistes et les autorités coloniales se sont soldés par plusieurs dizaines de morts et près de 150 blessés.

Le Néo-Destour est dissout, ses locaux fermés, ses documents confisqués, la presse nationaliste est suspendue et les militants du parti nationaliste sont passés à la clandestinité.

Depuis l’indépendance de leur pays, le 9 avril est pour les Tunisiens une journée de commémoration de ces évènements meurtriers et des cérémonies sont organisées chaque année, notamment au monument des martyrs de Sejoumi.

Ennahdha tient la matraque

Le 9 avril 2012 : première commémoration de la fête des martyrs depuis l’accession du parti islamiste Ennahdha au pouvoir.

Ce jour là, pour ne jamais oublier, la manifestation pacifique prévue pour célébrer la journée historique et symbolique de la fête des martyrs à l’Avenue Bourguiba, à Tunis, est d ‘abord honteusement interdite par le ministère de l’Intérieur, ensuite sauvagement réprimée par les forces de police, visiblement épaulées par les milices et les sbires d’Ennahdha.

Les violences perpétrées ce lundi noir, à l’encontre des manifestants, ont été d’une brutalité inouïe, sans précédent et ont intéressé des représentants de la société civile, des dirigeants de partis d’opposition, des syndicalistes des journalistes et même de simples passants.

Certains n’ont pas hésité pas à comparer ces violences policières aux «exactions de Pinochet au Chili.»

Les forces de l’ordre ont fait preuve d’une sauvagerie et d’une schizophrénie pour le moins déroutante. Des ordres visiblement «d’en haut» ont été donnés pour insulter, réprimer et violenter allègrement. L’utilisation de la matraque a été faite avec une joie non déguisée avec en sus bombes lacrymogènes et arrestations arbitraires.

Les femmes pleuraient, les hommes étaient à terre, incapables de se relever et tout le monde était en état de choc, avec un mélange de douleur physique et d’étourdissement, en plus d’une incompréhension révoltante pour cette violence haineuse et disproportionnée.

On a assisté au chaos et à des débordements incroyables, causant plusieurs cas de suffocation, dont les plus graves ont dû être hospitalisés.

Une horde de sauvageons barbus, sortis tout récemment des grottes, décrits comme des milices islamistes, sans foi ni loi, et sans scrupules, munis de bâtons, de gourdins et d’armes blanches se sont joints à la fête, réprimant toute manifestation de protestation, y compris des journalistes tunisiens et étrangers.

Le comble du cynisme et de l’hypocrisie a été atteint, le soir même, dans le débat qui a eu lieu sur la chaîne nationale, lorsque Ali Larayedh , ministre de l’Intérieur, a défendu la police en arguant que certains manifestants étaient munis de pierres et de cocktails Molotov. Ce qui est totalement faux et éhontément inventé…

Ce jour là, une ingratitude himalayenne a été atteinte, Ali Larayedh et le gouvernement islamiste ont oublié que le vaillant peuple qu’ils ont martyrisé les a pourtant libérés, à travers cette même Avenue Habib Bourguiba et que, sans lui, ils seraient en train de croupir en prison, en exil, ou victimes de la répression policière. Oublieux, ils ont reproduit à leur tour, les mêmes pratiques.

Contre toute attente, ou comme prévu pour les observateurs les plus avertis, les dix membres de la commission d ‘enquête sur les incidents ont présenté le 5 avril 2013 leur démission, devant l’absence de conditions favorables à leur travail d’investigation et surtout l ‘absence de coopération du gouvernement impliqué …

Ennahdha, qui se targue constamment d’être un mouvement militant, défendant les grands principes de la démocratie et des droits de l’homme, a apporté, ce jour-là, la preuve irréfutable de sa nature historiquement et congénitalement violente.

La violence d’Etat islamiste!!

Pourtant ce déchaînement de violence a eu lieu quelques mois seulement après leur accession démocratique au pouvoir. Il a ainsi traduit leur fragilité et leur incapacité notoire à gouverner face aux revendications de la population et est assurément la conséquence de leur très faible formation politique qui est exclusivement traditionnelle et théologique.

Élus pour quelques mois seulement jusqu’à l’adoption de la constitution, ils ont eu l’intime conviction qu’ils allaient se maintenir durablement au pouvoir.
Avec leur gouvernance, le bilan social et économique à été très sombre et les libertés ont été profondément menacées et restreintes.

La violence est devenue organisée, systématique et de caractère idéologique visant directement le mouvement démocratique et apparaissant comme le seul moyen pour islamiser le pays et imposer un régime islamique à la société tunisienne. Elle a sollicité des milices violentes, les salafistes et les Ligues de protection de la révolution (LPR) de triste mémoire, composés d’anciens criminels récidivistes et de jeunes chômeurs ignares et sans aucun avenir.

Le parti islamiste a protégé politiquement et juridiquement les LPR, les salafistes et les imams prêchant la violence. Lorsque la police arrêtait les dangereux barbus ayant commis de graves violences, la justice les libérait scandaleusement le lendemain, au petit matin…

Ce parti est indéniablement responsable de la violence d’Etat, qui a été utilisée, à titre d’exemple, contre les manifestants de Siliana, où la police a utilisé la mémorable «chevrotine» contre la population civile… Pourtant cette munition est généralement réservée à la chasse du petit gibier, d’où son appellation qui fait référence au chevreuil…

Cette violence a été sournoisement et soigneusement utilisée et entretenue par le gouvernement d’Ennahdha pour imposer au peuple Tunisien une politique de violence, parce que tout simplement il est incapable de résoudre les problèmes sociaux et de se maintenir au pouvoir démocratiquement.

Rached Ghanouchi, le gourou de ses adeptes salafistes, tout en sourire, n’avait-il pas annoncé une nouvelle culture en Tunisie, après avoir déclaré que les salafistes lui rappelaient sa tendre et inoubliable jeunesse…

Cette nouvelle culture, les Tunisiens en ont eu une belle illustration sous le règne de la défunte troïka, la coalition gouvernementale dominée par les islamistes qui a régné en Tunisie entre janvier 2012 et janvier 2014, et dont les rescapés nahdhaouis jouent encore les prolongations avec la complicité active de leur ancien ennemi intime devenu leur plus farouche avocat : Béji Caïd Essesbsi.

A bon entendeur…

*Médecin pneumologue.

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