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Peut-on encore sauver Radès ?

Mairie-de-Rades

Siège de la municipalité de Radès.

Lettre ouverte à Youssef Chahed, ministre des Affaires locales : «Radès a besoin de vous !»

Par Nadya B’chir *

Cher Youssef Chahed,

Je vous écris ces lignes d’une voix blanche certes, mais j’y accroche au pied de ma lettre une expression d’espoir acharné.

J’ai prudente conscience que vous êtes à la tête d’un ministère embryonnaire qui se construit encore. La tâche n’est fichtrement pas aisée. Des chevaux de bataille que vous avez, de quoi monter une écurie : les élections municipales à tenir dans près d’un an, le projet de loi sur les collectivités locales pour la consécration de la décentralisation sur tout le territoire, la généralisation de la nomination des délégués à la tête des mairies, voici donc la quintessence de vos prérogatives en tant que ministre des Affaires Locales.

Néanmoins, je vous adresse aujourd’hui cette lettre afin que vous consentiez de rajouter à la liste de vos priorités une certaine «guérilla» à mener contre les flibustiers et impénitents qui se sont autorisés à troquer les règles des lois en vigueur par celles des lois qu’ils ont conçues à leur juste jaugeage. Je m’explique!

Je suis citoyenne de mon état, et j’habite la ville de Radès située dans la banlieue sud au gouvernorat de Ben Arous. Je n’ai pas connu d’autre lieu d’habitation que cette ville. Des quartiers dissemblables et même disparates j’en ai connus.

J’ai vécu l’entièreté des métamorphoses accomplies et même celles goupillées. Je dois vous avouer qu’il y a eu jusque là de quoi allumer l’œil des habitants de la ville de Radès ! Toutefois cela ne manquait pas hélas d’avoir un métro de retard. Radès est une ville plutôt jolie où il fait bon vivre et où les habitants ne manquent pas de l’essentiel, sauf peut-être d’un peu de civisme qui viendrait briser le vœu de voyeurisme pour certains !

Cher Youssef Chahed,

L’avènement du 14 janvier 2011 a ouvert les portes de l’anarchie! La ville de Radès n’a pas été en reste. Je vais vous exposer quelques exemples qui illustrent la transgression de la loi sous l’œil émoustillé des autorités locales à en devenir complices!

Il y a plus d’une année, dans un quartier appelé Mohamed Ali, à satiété populaire et notoire, a contenu un acte délictueux en ayant recours à la ruse! Oui la ruse M. le ministre! Voici le topo : un commerçant propose d’acheter un local faisant lieu antérieurement d’une épicerie pour le transformer en une boutique de prestation de services téléphoniques. Puis, des ouï-dire évoquent l’ouverture d’une cafetaria! Sachant que ce local se trouve en bas d’un immeuble dans un quartier résidentiel, le commerce précité ne peut être congru. Quelques manœuvres élusives et véreuses plus tard, et voilà les habitants du quartier Mohamed Ali de Radès partageant disproportionnellement un espace de vie à attribution familiale. Il y avait anguille sous-roche mais d’aucun n’a osé se présenter aux autorités et dénoncer cet acte! Les familles dudit quartier n’ont désormais plus de trottoir pour marcher car investi par le propriétaire du café en y installant des chaises et des tables afin que sa clientèle constituée exclusivement de la gente masculine puisse siroter son café et se rincer l’œil en toute quiétude! N’est-ce pas aberrant M. le ministre?! Non mieux n’est-ce pas révoltant?! Certains diluent la théorie de la complicité du délégué spécial de la mairie de Radès dans cette affaire, allez savoir!

Cher Youssef Chahed,

Je vous expose à présent un autre exemple : le parangon – par excellence – du dépassement tristement célèbre dans l’immobilier destiné à services. J’habite le quartier de Mont Gil, c’est le quartier chic de toute la ville, anciennement c’était un quartier où résidaient les colonisateurs français. C’est un beau quartier avec de belles et grandes maisons des fois à en donner le tournis. Nous jouissions d’un climat de béatitude plaisant jusqu’au jour où un jardin d’enfants ayant appartenu à l’Etat à une époque ait été racheté par un investisseur particulier. Ce dernier, connaisseur dans le jeu du pot de vin avec les autorités locales, n’a pas eu vergogne ni respect à commettre des dépassements sanctionnés clairement par la loi dans l’unique but de s’enrichir encore et encore. Cet investisseur n’a eu aucune honte à graisser la patte du responsable à la tête de la mairie de Radès pour alourdir davantage ses poches sans tenir comptes des multiples plaintes déposées par les habitants du quartier de Mont Gil. Nous souffrons des compromis à la pelle mais à tout limite existe et vous devriez savoir M. le ministre que n’avons nourri d’ardent espoir depuis l’ascension du parti Nidaa Tounes au pouvoir car nous pensions que la loi allait enfin être appliquée! Illusoire tout du moins!

Cher Youssef Chahed,

Chaque jour que Dieu fait marque d’un feutre indélébile le désarroi des habitants de la ville de Radès face aux dépassements et à l’œil protecteur des autorités locales. Je vous épargne volontiers les détails sur l’état délabré de nombre d’endroits mythiques de Radès à l’instar du Lac près de la plage que les cygnes (symbole de la ville) ont quitté tempête sous crâne et désolation au cœur. Un endroit magique et débordant de beauté, délaissé, sali, et abandonné à son sort !

M. le ministre, il est de toute évidence dur de pouvoir ravir le talisman de la jeunesse d’une ville au cœur vibrant ! Il vous faudra sans l’ombre d’un doute (et permettez ici ma grossièreté) un culot d’acier et de l’énergie à en revendre pour pouvoir y arriver et certainement aussi plus qu’un bagout de déluré à la tête d’un ministère de haute facture.

Une volonté politique voilà ce qu’il nous faut ! Car la volonté politique, voyez-vous est un sésame, celui qui ouvre grand les portes verrouillées à double tours sans raison claire le justifiant. Nous, citoyens de notre Etat, sommes tous prêts à mettre le pied à l’étrier et à délaisser notre mépris souverain vis-à-vis de l’incivisme et l’indiscipline citoyenne de certains pour emmancher les mesures en vigueur et redonner le charme au «vivre ensemble» ! Sinon, personnellement, je n’en donne pas cher de la peau de toutes les villes de ce pays !

* Journaliste indépendante.

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