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L’île de Djerba oubliée par le gouverneur de Médenine

Djerba-Environnement

Lettre ouverte au gouverneur de Médenine : Qu’attendez-vous, monsieur le gouverneur, pour agir et consacrer l’Etat de droit à Djerba?

Par Naceur Bouabid *

Depuis quelque temps, Djerba n’est plus que l’ombre d’une île jadis belle, harmonieuse et enchanteresse. Amorcé depuis trois décennies, le processus de l’enlaidissement de l’île a repris de plus belle depuis l’avènement de la révolution pour atteindre sa vitesse de croisière et son apogée ces derniers temps, aidé par la persistance de l’Etat de non-droit prévalant sous nos cieux, et que vous n’avez rien fait pour atténuer, vous, monsieur le gouverneur.

L’insouciance et le laxisme des autorités

Aujourd’hui, ce territoire insulaire est rongé de moult maux qui l’accablent, laissé en pâture aux mains des contrevenants de tous bords qui agissent effrontément et à visage découvert, profitant du climat d’impunité, de l’insouciance et du laxisme des autorités tant locales que régionales, dont les vôtres, monsieur le gouverneur.

Vous n’êtes pas sans savoir que Djerba est une île vulnérable comme toutes les îles du monde, aux ressources limitées et irréversibles; vous n’avez rien fait pour le comprendre et en prendre conscience, les nombreuses invitations restées sans suite qui vous sont parvenues de l’Association pour la sauvegarde de l’île de Djerba (Assidje) pour prendre part aux nombreux colloques et séminaires sur le patrimoine, apportent la preuve irréfutable du peu de cas que vous accordez à notre île, à son patrimoine, à sa biodiversité et à ses écosystèmes.

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Des travaux d’expansion non autorisés défigurent  la mosquée historique séculaire de Médrajène.

Certes, libre à vous d’aimer ou de ne pas aimer Djerba, et son patrimoine, et sa population, mais tant que vous êtes à la tête de ce gouvernorat et que cette île demeure, jusqu’à nouvel ordre, dépendante, sans le vouloir, de votre tutelle, point de choix pour vous, désormais, que de vous acquitter à bon escient du devoir qui vous est assigné et de remplir sciemment vos obligations envers toutes les régions relevant de vos prérogatives, dont Djerba.

Or, tel n’est pas le cas. Car au lieu de consacrer l’Etat de droit et la primauté de la loi face aux infractions incessantes et aux dérapages de plus en plus fréquents, vous avez privilégié, à l’instar de vos prédécesseurs, la voie du silence, optant pour la politique de l’inaction et du laisser-faire.

Plus de 600 arrêtés de démolition non exécutés

Des centaines d’arrêtés de démolition, oui des centaines, 300 à Houmt-Souk, 236 à Midoun, une douzaine à Adjim, ont été décrétés par les services techniques des 3 communes au cours des 3 dernières années; qu’en est-il advenu et qu’avez-vous fait pour les valider et en précipiter l’exécution? Bizarrement rien. N’est-ce pas assez à vos yeux pour révéler la gravité de la situation et tirer la sonnette d’alarme?

Vous n’êtes pas sans savoir aussi que deux communes à Djerba, celles de Houmt-Souk et d’Adjim, sont sans délégation spéciale depuis bientôt deux ans, la troisième, celle de Midoun, fonctionne à mi-vitesse, c’est dire que les rênes de la gestion des affaires courantes de ces cités sont entre les mains des délégués qui ne sont pas forcément bien placés pour s’acquitter d’une telle mission, submergés par le flot des problèmes, manquant de compétence en la matière et à défaut de connaissances approfondies et appropriées des contraintes et des défis confrontant l’île.

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Travaux non autorisés d’extraction de sable ou de la pierre de construction.

Au lieu d’être sur le qui vive et à l’écoute d’une île sans gouvernail, quasi à la dérive, vous vous plaisez à faire la sourde oreille aux voix sensées vous appelant à intervenir et à faire autorité, conformément aux principes que dicte la nature de la fonction que vous remplissez.

Ni les atteintes répétées au domaine public maritime, ni les violations criardes de l’intégrité des zones vertes, ni encore le problème toujours actuel de la lenteur des dessertes des bacs d’Adjim, ou les cas toujours proliférant de l’extraction du sable ou de la pierre de construction, etc., n’ont été pour éveiller votre conscience et susciter votre intérêt. Les correspondances qui vous parviennent, faisant état d’entraves majeures à la loi et aux règlements en vigueur, ne sont rien pour vous, et vous faites fi des conséquences d’une telle attitude indigne d’un haut responsable régional que vous êtes.

Le laxisme complice des autorités

L’Assidje, encore elle, en a fait les frais lorsqu’elle a eu affaire à vous dans d’innombrables affaires, plus graves les unes que les autres. Aucune de toutes ses correspondances qui vous avaient été adressées n’a reçu de suite de votre part, ni de vos services concernés. Alors que du temps du régime déchu, à la première missive envoyée, ou au simple article de presse paru, et tout un remue-ménage s’en suivait; n’est-ce pas navrant de le dire et de devoir l’admettre? Les dernières en date concernaient le cas du projet bloqué embarrassant de la mise en place de l’unité de compostage des déchets ménagers (12 octobre 2015), cofinancé par le département de l’Hérault lié à votre gouvernorat par une convention de jumelage ou encore, et non des moindres, le cas de la mosquée historique séculaire de Médrajène, objet de travaux d’expansion non autorisés ayant entraîné sa défiguration. Un arrêté de démolition en bonne et due forme a été décrété à la date du 1 décembre 2015, dès l’entame des travaux, pour enfin connaître le même sort et venir s’ajouter, malheureusement, au lourd bilan des centaines d’autres pareils arrêtés demeurés sans effet à cause de votre inertie et votre laxisme, parfois complice, ce qui a donné aux contrevenants de profiter d’une telle aubaine inespérée et d’aller de l’avant, sans gênes, au grand dam des pauvres responsables du patrimoine et de la sauvegarde.

Djerba-Bac-Adjim

Le problème toujours actuel de la lenteur des dessertes des bacs d’Adjim.

De braves gouverneurs, ailleurs qu’à Médenine, ont pris le destin de leur région en main et sont passés résolument à l’action, mus pas un seul et unique souci : servir la patrie en consacrant haut et fort l’Etat de droit et la primauté suprême de la loi, pour être tout simplement dignes de la noble fonction qu’ils remplissent : ils ont gagné l’estime de tout un peuple et mérité amplement sa confiance. Et vous, Monsieur le gouverneur de Médenine, qu’attendez-vous pour emboîter le pas à vos braves collègues et nous donner à chasser de l’esprit l’image du gouverneur qui remplit si mal sa fonction?

* Ex-président de l’Association pour la sauvegarde de l’île de Djerba.

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