Les industries extractives sont l’une des clés de la relance des investissements extérieurs en Tunisie et la transparence est l’une des garanties de leur essor.
Par Wajdi Msaed
L’Institut arabe des chefs d’entreprises (IACE) a organisé, le mardi 24 mai courant, son siège, la Maison de l’Entreprise, dans les Berges du Lac de Tunis, un séminaire sur le thème : «Les investissements directs étrangers (IDE) dans les industries extractives : Quelle transparence pour une meilleure attractivité?»
Exigence de transparence et troubles sociaux
Pour entrer dans le vif du sujet, revenons un peu en arrière pour rappeler cette campagne menée par des parties politiques au slogan «Winou el-petrole ?» (Où est le pétrole?), dénonçant la corruption dans le secteur de l’énergie et réclamant des comptes aux entreprises exploitant les ressources pétrolières en Tunisie, pays dont la Constitution de 2014 stipule, dans son article 13, que les richesses naturelles sont la propriété du peuple.
Il est normal que le peuple exige la transparence dans la gestion de ses ressources naturelles, qui demeure jusqu’à nos jours floue et entourée de beaucoup de mystère. Mais il est vrai aussi que les troubles sociaux, menés au nom de l’exigence de transparence, ont perturbé l’activité d’extraction et le processus de production, notamment dans les hydrocarbures et les phosphates, deux secteurs névralgiques de l’économie tunisienne, frappés de plein fouet et leur production réduite à son plus bas niveau.
Cette situation est inquiétante, affirment les experts, qui ont animé les deux panels du séminaire. Avec une production de phosphate ne dépassant pas le tiers des capacités et un volume décroissant dans la production pétrolière, passé de 81.000 barils/jour en 2011 à 46.000 actuellement, la Tunisie est obligée à penser à des solutions de substitution, comme les énergies renouvelables, sachant que la production de gaz – qui est demeurée constante depuis 2010, avec un volume estimé à 7 millions de m3/jour – est à l’origine de 97% de l’électricité produite dans le pays.
«Le déficit énergétique continue de se creuser depuis 2011», a averti Radhi Meddeb, Pdg de Comete Engineering et modérateur du premier panel consacré au thème: «Attractivité du site Tunisie : perceptions et opportunités». Et cette situation, il l’impute essentiellement «aux troubles sociaux et à l’instabilité politique et sécuritaire obligeant plusieurs opérateurs internationaux à suspendre leurs activités ou à se retirer». La campagne «Où est le pétrole?» n’a guère arrangé les choses, en ajoutant au scepticisme et au marasme général. Résultat des courses : l’investissement dans ce secteur a périclité et les activités ont été ralenties.
L’administration au banc des accusés
La situation s’est aggravée lorsqu’on a empêché l’extension de quelques conventions et licences d’exploration et d’extraction de pétrole et de gaz. Pire encore, plusieurs plaintes ont été intentées contre l’administration auprès du tribunal administratif. «J’ai été convoqué une vingtaine de fois par cette instance pour répondre à des accusations de défaillances imputées à l’administration», a indiqué un responsable du ministère de l’Energie et des Mines.
La solution de ce problème consiste, aujourd’hui, à garantir une meilleure transparence dans la gestion des ressources naturelles, pour être en phase avec les exigences du peuple et de ses représentants à l’Assemblée, tout mettant fin aux mouvements sociaux dans le secteur pour maintenir la production et l’approvisionnement du pays en énergie. Ce n’est qu’après avoir réalisé cette difficile équation, que l’on pourra parler d’attraction des IDE et des atouts que présente la Tunisie dans ce domaine.
Lors du premier panel, Majdi Hassen, directeur exécutif à l’IACE, a présenté les résultats de l’enquête qu’il avait lancée auprès de 100 entreprises opérant dans l’industrie extractive, et qui mettent en exergue les handicaps entravant le secteur et réduisant son attractivité. Contre toute attente, c’est le facteur de la transparence qui recueille le taux le plus faible (9%), loin derrière l’accessibilité du marché (31%) et le régime fiscal (16%)
Les débats se sont déroulés en présence d’acteurs impliqués dans la mise en place des normes de bonne gouvernance et de lutte contre la corruption, d’opérateurs économiques, d’experts internationaux et d’une représentante de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) en la personne d’Olfa Soukri Cherif, membre de la commission des finances.
Pour améliorer l’attractivité du site Tunisie, les participants ont recommandé la révision du code des hydrocarbures et le code minier, l’amélioration de l’environnement des affaires, la publication des contrats conclus avec certaines entreprises étrangères et dont le contenu reste encore mystérieux, et l’amélioration de la chaîne logistique qui pèse sur le coût de production…
La nécessité de dépassionner le débat
Le second panel, modéré par l’expert Ghazi Ben Jemia, en présence notamment de Pablo Valverdi, responsable pays pour la région Mena au secrétariat général de l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives (ITIE), a été consacré à la présentation de cette institution, son rôle, ses objectifs et la procédure pour y adhérer.
L’ITIE est une norme mondiale qui vise à promouvoir une gestion ouverte et responsable des ressources naturelles. Elle cherche à renforcer les systèmes de gouvernance, au niveau des gouvernements et des entreprises, à informer le public et à améliorer le climat de confiance entre les différentes parties prenantes.
Dans chaque pays adhérent, l’ITIE est soutenue par une coalition composée de représentants du gouvernement, des entreprises et de la société civile, qui oeuvrent ensemble pour une meilleure transparence des activités d’exploration et de production des ressources naturelles.
Les critères d’adhésion requis sont au nombre de cinq, dont on cite essentiellement l’élaboration d’un plan de travail discuté et convenu entre ces trois parties.
La rencontre, qui s’inscrit dans la dynamique de réflexion et de dialogue autour de l’impact de bonne gouvernance dans le secteur extractif, a été clôturée par un déjeuner-débat consacré au rôle de la nouvelle constitution et les difficultés rencontrées dans la mise en applications des dispositions réglementaires garantissant la transparence dans la gestion des deniers publics.
Les industries extractives sont l’une des clés de la relance des IDE en Tunisie, la transparence n’est pas la seule garantie de son essor et il y a lieu de dépassionner le débat et de faire preuve de professionnalisme pour bien servir l’intérêt du pays, ont estimé, en conclusion, les experts présents.
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