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Les enjeux, ambitions et limites du Plan de développement 2016-2020

Yassine-Brahim-IACE

La Tunisie s’est dotée d’un plan stratégique de développement 2016-2020, qui doit être mis en œuvre dans une conjoncture économique plutôt morose.

Par Wajdi Msaed

La Maison de l’Entreprise, siège de l’Institut arabe des chefs d’entreprises (IACE ), a abrité, mardi, une table-ronde sur un thème d’actualité: «Le plan stratégique 2016-2020: financement, PPP et développement durable», avec la participation de Yassine Brahim, ministre du Développement, de l’Investissement et de la Coopération internationale, Maya Boureghda, avocate spécialiste du partenariat public privé (PPP), Jacob Kolster, directeur régional de la Banque africaine de développement (BAD), et Adel Hentati, conseiller spécialiste de l’environnement.

Ce fut une occasion pour prendre connaissance des prévisions du plan en termes de stratégies spécifiques de financement, de PPP et de développement durable. Et pour les représentants du secteur public, les chefs d’entreprises et les économistes présents d’échanger leurs visions, propositions et points de vue sur les moyens de garantir une transformation structurelle de l’économie tunisienne vers plus de croissance, de création d’emploi et de durabilité.

Difficultés et atouts

M. Brahim, qui a présidé la rencontre, a procédé à la présentation de la note conceptuelle, des objectifs ainsi que du déroulement des travaux de préparation du plan de développement stratégique. Il a commencé par souligner les difficultés relatives à un environnement géostratégique incertain, à l’instabilité sociale et à la fragilité des équilibres financiers internes. Ce cadre général, a précisé le ministre, présente aussi des atouts, dont notamment le rôle grandissant de la société civile, la force indéniable de la jeunesse et un climat politique démocratique susceptible d’amorcer un nouveau modèle de développement, participatif et inclusif, susceptible d’aider le pays à faire face aux défis.

Evoquant la note d’orientation du plan stratégique 2016-2020, le ministre a indiqué qu’elle s’articule autour de 5 axes principaux. Le 1er concerne la réforme de l’administration pour instaurer une bonne gouvernance et lutter contre la corruption. Le 2e concerne les moyens à mettre en œuvre pour permettre au pays de passer d’une économie à faible coût à une économie à forte valeur ajoutée, à travers la promotion de l’innovation technologique, l’amélioration de la productivité, le développement des infrastructures, le renforcement de la logistique et l’encouragement à l’exportation. Le 3e porte sur le développement humain et l’inclusion sociale, en misant sur la réforme du système éducatif avec ses différentes composantes et sur l’amélioration des prestations sociale et culturelles. Dans le 4e axe, il est question, selon l’expression de M. Brahim, de concrétiser «les ambitions des régions» par le biais d’une décentralisation bien structurée et une gouvernance locale et régionale efficace. Le 5e prône le développement de l’économie verte.

Ambitions et limites du plan

Le ministre du Développement, de l’Investissement et de la Coopération internationale qui a déjà entamé la campagne de promotion mondiale du plan stratégique de développement 2016-2020, en Asie, en Europe et aux Etats Unis, a mis en exergue les réformes économiques et financières et les grands projets d’investissements prévus dans ce plan ambitieux, dont le financement nécessite un investissement global estimé à 120 milliards de dinars, contre 80 milliards de dinars investis durant le quinquennat précédent. Où trouver ces financements?

En réponse à cette question, M. Brahim a parlé de la mobilisation des ressources locales, en portant le taux de l’épargne nationale à 18% du revenu disponible en 2020 contre 12,5% en 2015. Autre source de financement : les investissements du secteur privé national et international et l’appui des bailleurs de fonds et des partenaires étrangers bilatéraux et multilatéraux. Le plan table ainsi sur une hausse de l’effort d’investissement dont le taux devra être porté à 25% du PIB à l’horizon 2020, contre 18,5% en 2015.

Des pistes à ne pas négliger

Tout en qualifiant ce plan d’ambitieux, Mme Boureghda a cependant estimé qu’il ne favorise pas beaucoup les projets de partenariat public-privé (PPP), ni ne précise les moyens à mettre en œuvre pour les favoriser. L’administration tunisienne doit se préparer à jouer un rôle accru dans la conception, la gestion et l’exécution de ces nouveaux types contrats assez complexes, a ajouté Mme Boureghda, ajoutant que la conjoncture est propice pour l’adoption de ce modèle, qui a connu des réussites notables en Egypte, au Maroc et en Côte d’Ivoire. Dans une situation économique difficile caractérisée notamment par la chute du dinar et la raréfaction des sources de financement, le PPP pourrait constituer l’une des solutions pour faire face à la crise, a-t-elle souligné.

Jacob Kolster a, de son côté, déploré que le taux de croissance enregistré au cours des dernières années en Tunisie soit 3 fois inférieur aux taux réels d’intérêt des emprunts extérieurs, soulignant la nécessité d’«allouer le financement extérieur pour impulser la croissance et non pour acheter la paix sociale».

Le plan de développement 2016-2020 est basé sur une approche qui tient compte du développement durable et de l’environnement, s’est félicité Adel Hentati, qui a déploré, cependant, la négligence de ce secteur par l’ancien modèle de développement, qui a généré des coûts très élevés supportés par la collectivité nationale. Il a cité, dans ce contexte, deux exemples d’impact négatif de projets de développement sur l’environnement. Celui de l’autoroute entre Tunis et le sud du pays, qui a eu des répercussions écologiques néfastes sur la sebkha de Sijoumi et les industries chimiques de Gabès, qui ont détruit le milieu marin et endommagé les oasis, une source de revenu économique pour les habitants de la région.

Appelant à intégrer la dimension environnementale dans tout projet de développement, l’expert a estimé que les ressources naturelles du pays sont fragiles et ont été davantage fragilisées au cours des 60 dernières années par des politiques publiques douteuses, aussi le nouveau plan doit-il prendre en considération, dans chaque décision, les approches les moins coûteuses et les moins néfastes pour l’environnement. «Il faut tirer les leçons des erreurs du passé et ne plus les commettre», a conclu M. Hentati, en faisant remarquer que ces erreurs ont fait perdre au pays des points de croissance non négligeables.

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