L’auteur de cette lettre ouverte au ministre de la Santé, Saïd Aidi exprime son indignation face à la gestion officielle de l’affaire des stents périmés.
Par Pr Habib Boussaadia *
Monsieur le ministre de la Santé publique,
Cette lettre pourrait s’intituler «lettre à un dictateur de poids moyen», car au vu de votre passage au ministère de la Santé, on a relevé votre empressement à prendre des décisions irréfléchies et lourdes de conséquences arguant de votre droit d’agir mais et omettant au passage vos devoirs envers l’Etat et la société civile !
Soyons clairs, sanctionner c’est bien, si l’intérêt suprême du pays l’exige, mais condamner et punir instinctivement c’est manquer de tact, de délicatesse et d’habilité politique.
Votre façon de gérer les scandales laisse entrevoir un souci de se disculper aux dépens des autres : les coupables, c’est eux; moi j’applique la loi et j’use de mes prérogatives! D’accord, mais un bon ministre doit assumer les dysfonctions au sein de son ministère: il doit reconnaître implicitement que ce scandale des «stents périmés» n’est que l’aboutissement d’une triste carence dans le contrôle systématique des établissements sanitaires en amont avant que le processus de routine n’aboutisse à ces méprises parfois volontaires mais souvent inconscientes.
Combien de fois monsieur le ministre, alors que vous êtes à la tête du ministère de la Santé, avez-vous effectué des recensements de l’activité des différents services hospitaliers en Tunisie?
Avez-vous mandaté vos inspecteurs pour une vérification des soins et de la douloureuse facture dans les cliniques?
Avez-vous songé à faire une virée nocturne pour vous enquérir sur la qualité des soins dans les établissements sanitaires?
Avez-vous réfléchi aux conséquences d’un éclatement de service de cardiologie à Sousse?
Encore mieux, avez-vous anticipé le préjudice moral causé à ces médecins qui sont souvent appelés la nuit pour sauver des malades victimes d’infarctus? Cela, ils le font de bon cœur sans être payés ou en étant sous payés pour l’effort consenti, mais jamais ils n’ont demandé un réajustement d’honoraires pour ces urgences car leur humanité est au-dessus de ces considérations matérielles!
Avez- vous songé un jour à adresser des félicitations pour les performances de certains collègues? Le mal endémique tunisien, c’est de faire mal de préférence très mal; puis de faire la tournée des médias en glorifiant sa personne!
Enfin avez-vous anticipé l’image négative véhiculée sur la qualité des soins en Tunisie? A titre de comparaison, avez-vous lu sur le scandale de la Depakine en France où pas moins de 10.000 femmes enceintes ont pris ce médicament : la ministre n’a pas sanctionné les médecins prescripteurs, mais créé une filière pour prendre en charge les enfants victimes !
Voila ce que j’ai à vous dire monsieur le ministre: sachez que je n’ai pas de rapports privilégiés avec les médecins visés à Sousse et que, pour ma part, il n’y a aucun conflit d’intérêt! L’esprit de justice me pousse à écrire ces quelques lignes d’indignation.
* Cardiologue en préretraite à Sousse.
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