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Plaidoyer pour une nouvelle majorité démocrate progressiste

Democrates-Nahdhaouis

Face aux islamistes qui sont en train de phagocyter l’Etat tunisien, les démocrates progressistes doivent réagir, dépasser leurs divisions et constituer un front uni.

Par Fadhel Mokrani

Cinq ans déjà que le Front Populaire s’ingénie à faire cavalier seul. Cinq ans déjà que les progressistes continuent à ergoter sur la théorie du Big-bang révolutionnaire. Cinq ans que nos démocrates s’évertuent à se diviser et à se subdiviser sans retenue. Cinq ans déjà que nos modernistes se plaisent à militer, un smartphone à la main, pour fixer ad aeternum leurs actions civilisées sur Facebook. Deux ans déjà que nos honorables députés s’amusent à faire les beaux devant les caméras et à se promener d’un groupe à l’autre au gré des divisions et des subdivisions.

L’islamisation rampante est une réalité

Pendant ce temps, les islamistes s’organisent, avancent et s’échinent à s’offrir une virginité de houri. Mais quand même ils chassent le naturel, avec obstination, celui-ci revient au galop.

Pendant que chacun joue sa partition, les Tunisiennes et les Tunisiens sont tenus en haleine et rêvent d’un lendemain qu’on leur présente toujours meilleur. Et la Tunisie se métamorphose lentement mais sûrement.

Quand les Tunisiennes se voilent par peur de représailles, quand dans nos plages les maillots de bain et les bikinis sont quasiment interdits, quand une fille est traînée dans un poste de police parce qu’elle porte un short, quand sur la plage, des agents de sécurité fouillent dans les affaires des baigneurs à la recherche d’éventuelles boissons haram, quand sévit, çà-et-là, une police des mœurs, quand les hommes se mettent à porter des bermudas qui tombent nécessairement sous les genoux et quand burkinis et abayas font marée noire, sachez mesdames et messieurs, que dans ce pays, le corps social est atteint du cancer wahhabite et que la métastase est en cours.

L’oeuvre d’islamisation rampante avait besoin de temps pour prendre pieds et s’accomplir. Rappelez-vous le fameux : «L’administration, l’armée, la police, etc., ne sont pas encore garanties. Prenez votre temps, créez des associations, multipliez les tentes de prédication, etc.», d’un certain Rached Ghannouchi parlant aux salafistes).

Trois ans plus tard, les Frères musulmans ont gagné du terrain, et surtout beaucoup de temps. A ce rythme, dans quelques années, on fera notre propre censure, on plantera nous-mêmes nos propres tentes de prédication et, comme à Istanbul, nous serions, bientôt, un million à soutenir notre mentor.

Il y a péril en la demeure

Pendant ce temps, la gauche et ses collégiens, les progressistes et les démocrates «dernier cri», les apprentis «politiciens», continuent à discourir et à se pavaner avec pour seuls objectifs leurs intérêts personnels et ceux de leurs partis.

N’ont-ils pas compris qu’il y a péril en la demeure et que la Tunisie et les Tunisiens passent avant les titres et les partis ? Ne se rendent-ils pas compte que c’est eux qui ont offert à la secte le répit dont elle avait besoin pour manœuvrer ? Ne comprennent-ils pas que les idéologies, les beaux discours et les divisions n’ont servi qu’à renforcer les rangs des obscurantistes et que seule l’union des forces progressistes est susceptible de sauver le pays?

En ces temps incertains où l’économie sombre, où la contrebande et la corruption prospèrent et où les scandales se suivent et sont chaque jour plus abominables… En ces jours de doute et d’expectative, les Tunisiens s’inquiètent et s’interrogent. Ne pouvait-on pas espérer l’émergence d’une autre majorité démocrate, plus homogène, plus proche des attentes de la majorité des électeurs ? Oui, c’est possible.

C’est possible car cette majorité représente, au sein de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), près de 120 sièges selon les uns, 130 selon d’autres. Avec moins que cela, sous d’autres cieux, des partis ou des coalitions ont imposé leur programme, réalisé leurs projets et vu leur pays et la démocratie avancer sans coup férir.

Certains verront inévitablement dans mes propos un manque de réalisme et une naïveté romantique. Peut-être.

Une certitude cependant, c’est que les partis qui refuseront cette union des forces démocratiques seront à jamais honnis et perdront toute crédibilité et représentativité. Ceci si l’on admettait que la brise de démocratie continuerait encore à souffler sur notre pays.

Appel aux démocrates progressistes

J’en appelle aux patriotes du Front populaire, du Nidaa, de Machrou Tounes, de l’UPL, d’Afek, d’Al-Moubadara, d’Al-Joumhouri, d’Al-Massar et de toutes les formations progressistes. A toutes les femmes et à tous les hommes libres qui rêvent d’une Tunisie démocratique, moderne, ouverte sur le monde et sur l’avenir, et qui refusent le despotisme, l’obscurantisme et le népotisme, unissez-vous, mettez vos idéologies, votre dogmatisme et vos ego de côté. Formez vos rangs et mettez-vous au service de la patrie!

Que ceux qui croient pouvoir arracher un siège de président, de chef de gouvernement ou de ministre, parce qu’ils ont milité dans les années de plomb, renoncent à leurs rêves. L’étape actuelle est celle de la résistance et de la consolidation des acquis. Elle nécessite des cœurs vaillants et des têtes bien pleines. Des patriotes volontaires qui ne cherchent ni contreparties, ni indemnisations, ni privilèges.

Que ceux qui complotent pour mettre la Tunisie à genoux, qui compensent leurs années de prison par les millions et les passe-droits, qui quintuplent leur salaire à l’insu de tous, qui se bousculent pour obtenir un poste ministériel ou qui montent leurs affaires avec l’argent du contribuable, sachent que la patrie est comptable de leurs forfaits.

Qu’ils sachent que si nous érigeons des monuments au soldat inconnu et à la gloire de nos martyrs, ne n’oublierons jamais les manigances de ces opportunistes, leur corruption et leurs trahisons.

Je m’adresse à la gauche, aux démocrates, aux progressistes et aux esprits libres : vous qui aimez faire de la politique, ne soyez pas de ceux-là. Ressaisissez-vous. Toutes les idéologies du monde, tous les principes humains et universels ne valent que s’ils sont partagés et mis au service et au bénéfice des citoyens. Unissez-vous. Aimez votre patrie et déclarez avec Farhat Hached «Ô Peuple, je t’aime».

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