‘‘Derrière la vague’’, 5e long-métrage documentaire du cinéaste Fethi Saïdi, a été projeté en avant-première, vendredi dernier, au ciné-théâtre le Rio, à Tunis.
Par Fawz Ben Ali
Après ‘‘Séparations’’ (2010), sur le quotidien d’un sans-papiers en France et ‘‘Tunisiens des deux rives’’ (2013) sur le militantisme associatif de l’immigration, tourné également en France, Fethi Saïdi, qui est resté fidèle au genre documentaire, aborde, une nouvelle fois, dans son dernier opus ‘‘Derrière la vague’’, le thème de l’immigration clandestine en remontant jusqu’à l’origine du mal, à savoir la misère et la marginalisation qui poussent les jeunes à prendre le large.
Ni jasmin ni dignité
C’est à la Cité Ennour, quartier populaire de la périphérie de Tunis, que le cinéaste a décidé de s’introduire avec sa caméra. Dès les premières images, on a du mal à croire que cette terre qui baigne dans la pauvreté et la violence fasse partie de la capitale.
En effet, malgré la révolution du 14 janvier 2011, dite révolution du jasmin ou encore de la dignité, ce quartier désocialisé n’a connu ni jasmin ni dignité. Comment peut-il en être autrement quand les jeunes se retrouvent face à deux alternatives, plus dégradante l’une que l’autre : le chômage ou la collecte des déchets ?
Dans son enquête, Fethi Saïdi a suivi des jeunes, qui après l’échec scolaire et dans la nécessité de vivre et de faire vivre leurs proches, ont dû travailler comme fouilleurs dans la décharge de Borj Chakir (la plus grande décharge publique de Tunis). La caméra les a traqués de jour comme de nuit pour nous faire le dessin de ces conditions déplorables et exténuantes. Des séquences parfois répétitives, mais la répétition est «voulue», nous-dit le cinéaste afin de nous renvoyer cette routine écrasante et cette atmosphère lourde.
Comment ne pas succomber à la tentation de rejoindre l’autre rive de la Méditerranée au péril de sa vie? «On est de toute façon morts ici !», nous-lance un jeune chômeur du quartier.
Face à une révolution décevante et un avenir incertain, environ 22.000 Tunisiens ont pris le large illégalement en vue d’une vie meilleure. Au moins 36 personnes sont portées disparus rien qu’à la Cité Ennour. Fethi Saïdi est allé à la recherche de leurs familles, rongées par la douleur de la perte d’un fils, d’un frère ou d’un mari.
Fethi Saïdi jette un regard cru sur la misère au quotidien dans les quartiers périphériques de Tunis.
L’insoutenable attente
Sans voix off, le cinéaste s’est abstenu de tout commentaire, laissant champ libre à ses protagonistes, notamment les mères qui ne savent plus si elles doivent faire le deuil ou garder espoir de retrouver un jour leurs fils sains et saufs. Des témoignages bruts et poignants de ces dames angoissées, en larmes, prises parfois dans l’élan de la colère contre un destin fataliste, mais surtout contre ces gouvernements qui se succèdent mais se ressemblent tous dans l’inaptitude et la politique de l’autruche, alors que les passeurs et médiateurs circulent en toute impunité dans le quartier au vu et au su de tout le monde.
Dans leur insoutenable attente, ces femmes font tout de même preuve de courage et d’endurance hors normes. Entre rassemblement, commissions d’enquête et procès, elles tentent tout pour faire entendre leurs voix et connaitre le sort de leurs enfants.
‘‘Derrière la vague’’ passera hors compétition aux prochaines Journées cinématographiques de Carthage (JCC 2016).
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