Le SNJT dénonce Chafik Jarraya, qui a déclaré avoir soudoyé plusieurs journalistes, et appelle la justice à lever «l’immunité» dont jouit le sulfureux homme d’affaires.
Le Syndicat national des journalistes tunisien (SNJT) a rappelé que Chafik Jarraya, poursuivi dans plusieurs affaires de corruption et soupçonné de liens avec les réseaux terroristes à l’échelle mondiale, a été, hier soir, l’invité de l’émission « Liman Yajroo Fakat » sur El-Hiwar Ettounsi, présentée par Samir El-Wafi, lui aussi poursuivi en justice dans une affaire de racket en lien avec son métier. On était, en quelque sorte, entre gens bien…
Laissant libre cours à son bagou d’ancien marchand de légumes (ce qu’il était réellement et il en est très fier), l’homme d’affaires, qui se targue de connaître tous les dirigeants politiques en Tunisie, à commencer par Béji Caïd Essebsi et son fils Hafedh, mais aussi Hamma Hammami et son épouse Radhia Nasraoui, a affirmé avoir acheté beaucoup de journalistes, ce que le SNJT considère comme une atteinte à la dignité de toute la profession.
Le syndicat se dit étonné de l’étrange impunité judiciaire dont jouit M. Jarraya, qui semble bénéficier de l’indulgence de la justice, malgré les nombreux procès intentés contre lui.
«Le syndicat appelle le ministre de la Justice et le procureur de la république de prouver leur indépendance en ordonnant l’ouverture d’une enquête pour corruption financière, après que Jarraya ait déclaré avoir corrompu des journalistes, sachant qu’il touche ainsi à l’honneur de ceux qui ne sont pas souillés et qui sont majoritaires dans la profession», précise le communiqué, ajoutant que les déclarations du chef du gouvernement Youssef Chahed, relatives à la lutte contre la corruption, n’auront aucune crédibilité si M. Jarraya reste épargné par la justice, malgré ses derniers aveux télévisés.
Dans le même communiqué, le SNJT prévient l’opinion publique que des lobbys tentent de prendre le contrôle des médias et de limiter la liberté d’expression, rappelant que les différents gouvernements qui se sont succédé depuis 2011 ont tous été complices de ces lobbys, ne fut-ce qu’en les laissant faire.
«Le secteur est constitué de journalistes honnêtes qui sont capables de défendre leur métier et de lutter contre la corruption de la presse, quitte à tout sacrifier pour que la liberté d’expression ne leur soit pas retirée», souligne encore le SNJT, précisant qu’une liste des ennemis de la liberté de la presse en Tunisie, comprenant les noms d’hommes d’affaires et de politiciens corrompus sera publiée, le 10 décembre prochain, à l’occasion de la Journée internationale des droits de l’homme.
Rappelons que Chafik Jarraya, souvent qualifié d’«Etat dans l’Etat», tant il semble influent et intouchable, s’est dit fier des relations douteuses qu’il entretient avec des personnalités libyennes proches des groupes terroristes, au moment où la Tunisie se bat contre le fléau du terrorisme et où beaucoup de terroristes tunisiens opèrent à partir de ce pays voisin.
L’émission d’hier soir, beaucoup l’auront compris, cherchait à blanchir Chafik Jarraya, mais ce fut également l’occasion pour l’homme d’affaires de menacer tous ceux qu’il a soudoyés et corrompus et qui occupent aujourd’hui de hauts postes dans l’Etat. Son message subliminal était le suivant: «Si je dois tomber, vous tomberez tous avec moi!»
Qui a dit que la Tunisie est une république bananière?
Y. N.
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