Pour démocratique qu’elle ait pu être, l’élection du Conseil supérieur de magistrature (CSM) a permis aux Nahdhaouis de mettre la main sur… la justice.
Par Jomâa Assâad *
Ce qui vient de se passer en rapport avec les élections du CSM est très grave et mérite que l’on s’y intéresse de plus près.
Après avoir fait main basse sur l’Ordre des avocats, nos islamistes locaux, via Noureddine Bhiri, ancien ministre de la Justice, viennent de rempiler avec le CSM, y plaçant quelques fidèles amis, et éventuellement le futur président.
Ahmed Rahmouni, président de l’Observatoire de l’indépendance de la justice (Otij), scandalisé, y a fait allusion. Un autre magistrat, Kalthoum Kennou, candidate vaincue et non moins désemparée, a livré des détails sur le «modus operandi». Le coup a été prémédité à la faveur de la nuit tombée, dit-elle.
Le Syndicat des magistrats tunisiens (SMT) aurait déjà exposé ses réserves auprès du ministre de la Justice et l’Association des magistrats tunisiens (AMT) s’orienterait vers la même démarche. «No comment» du gouvernement. Et du parlement.
Pourtant, à en croire nos médias, il semblerait qu’au sortir des urnes, la liesse soit générale. Il serait malvenu de jouer au trouble-fête. En tout état de cause, la vague serait trop haute pour votre serviteur. Il semblerait que les Nahdhaouis soient en position de monnayer leur soutien au projet de loi des finances 2017 au prix fort. Abellatif Mekki ne vient-il pas d’être désigné président du groupe parlementaire chargé des affaires de la défense et de la sécurité?
S’adjugeant de la sorte les deux mamelles du pouvoir: justice et forces armées, les Nahdhaouis estiment avoir définitivement assuré leurs arrières. Et Rached Ghannouchi, leur gourou de président, pourra impunément continuer, n’en déplaise aux Tunisiens, à absoudre ses enfants jihadistes.
A contrario, nos chaînes télévisuelles se félicitent à l’unisson : bel exercice démocratique chantent-ils en choeur. Face à cette liesse généralisée, ne jouons pas aux oiseaux de mauvais augure ! D’autant que le président de la république Béji Caïd Essebsi, bottant en touche une fois de plus, se disait satisfait de la majorité féminine dégagée par le scrutin.
Prestement monté au créneau dans une manoeuvre destinée à étouffer l’affaire, sa bénédiction du résultat électoral ne souffrait nulle discussion. Relativement à cette affaire, à suivre, tout de même, l’unique mot d’ordre sera désormais: «Silence, on tourne!».
Et feu Chokri Belaïd continuera à dormir du sommeil du juste… N’est-ce pas Hamma Hammami? N’est-ce pas Front populaire ?
* Universitaire.
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