Le quotidien anglophone saoudien ‘‘Saudi Gazette’’ éprouve un plaisir que le Printemps arabe soit en situation d’échec et qu’il ait «perdu son romantisme.»
Par Marwan Chahla
A la lecture des résultats d’une étude menée par la Commission économique et sociale pour l’Asie de l’ouest (Escwa) sur les pertes enregistrées par les pays du Printemps arabe, depuis 2011, la ‘‘Saudi Gazette’’ (‘SG’) n’a pas manqué cette occasion en or pour faire part de sa liesse, tout en omettant, bien sûr, d’évoquer le rôle destructeur joué par les monarchies du Golfe, et à leur tête l’Arabie saoudite, dans l’échec du Printemps arabe, en finançant les groupes salafistes jihadistes, qui sèment aujourd’hui la terreur dans la région…
D’entrée de jeu, le journal a du mal à cacher sa joie: «Six ans après, s’il avait encore le moindre doute sur la fin d’un certain romantisme associé à ce que l’on appelle le Printemps arabe, l’Onu, avec son dernier rapport, vient de dissiper définitivement cette illusion. La vague des protestations arabes a coûté à la région 614 milliards de dollars, ce qui correspond à une perte de 6% de croissance, depuis 2011.»
La ‘‘SG’’ enfonce encore plus le clou: «Le Printemps arabe a été un cauchemar des plus inattendus (…) La plupart des pays du Printemps arabe ont connu le même scénario: une révolution portée par l’espoir d’un avenir meilleur qui se transforme en belligérance, puis en lutte et se termine par la guerre. C’est comme si le nouvel ordre régional devait mener inéluctablement à l’instabilité et au chaos. Toute la région a été plongée dans la confusion.»
La ‘‘Saudi Gazette’’ ne s’embarrasse, non plus, de donner la leçon à peuples arabes qui se sont essayés à la révolution: elle leur rappelle que «les révolutions ne suivent jamais une trajectoire linéaire (…) et cette règle s’applique, parfaitement et en tous points, à l’expérience du Printemps arabe. A présent, l’on sait que les soulèvements arabes ont suscité autant d’espoirs que d’avenirs qui sont loin d’être prometteurs ou idylliques.»
La gazette en rajoute une autre couche: «Après avoir remporté la première partie et réalisé leurs objectifs immédiats, les révolutions arabes se sont trouvées en territoire inconnu et incertain. Leur projet consistait à se débarrasser de leurs gouvernements et à leur substituer de meilleurs remplacements. Or, les protestataires ont vite fait de se rendre compte que s’il était facile, en usant de la force, d’atteindre leur premier but, pour la deuxième partie, il fallait recourir à un principe différent.» (…)
«Aujourd’hui, le Printemps arabe a depuis longtemps rendu l’âme, mais après avoir coûté la vie à des centaines de milliers de personnes et des centaines de milliards de dollars aux pays de la région. Le résultat final est là: une grande amertume et une violence généralisée», conclut ‘‘Saudi Gazette’’.
Le journal saoudien se garde cependant d’envisager que l’Arabie saoudite, où règne un régime moyenâgeux, sera, nécessairement, un jour ou l’autre, et très prochainement, balayée, elle aussi, par ce vent de liberté que ses dirigeants ne pourront pas contenir indéfiniment à coups de pétrodollars, d’autant que ces pétrodollars se font de plus en plus rare. Wait and see…
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