La grève décrétée par le syndicat de l’enseignement secondaire est instrumentalisée par les dirigeants syndicaux pour servir leurs agendas personnels.
Par Hedia Yakhlef *
Pas un mois ne passe sans que nous soyons, enseignants des lycées et collèges, appelés d’entrer en grève, comme si, à l’opposé des autres secteurs qui connaissent une relative accalmie, il y avait péril en la demeure et que la corporation était menacée dans ses intérêts vitaux à tel point que l’action ne peut souffrir aucune trêve.
Sous un prétexte ou un autre, souvent pour des peccadilles pécuniaires sans incidences majeures sur nos fins de mois, on nous engage dans des bras-de-fer avec le ministère où l’issue et les gains sont souvent ridicules par rapport aux enjeux réels qu’affronte la profession.
L’avenir de nos enfants hypothéqué
Pour quelques dinars de plus, en raison de promesses non tenues ou retardées, on est prompt à croiser le fer et à partir en guerre contre un ministre dont on demande, curieusement, la tête!
Cette hardiesse syndicale, rarement observée, cette promptitude à brandir l’arme de la grève pour des revendications certes légitimes mais loin d’être déterminantes, ne peuvent que semer le doute sur les véritables motifs de cette mobilisation guerrière cyclique par la paralysie du secteur par arrêt à répétition du travail et mise au repos forcé des élèves au grand dam des parents qui voient l’avenir de leurs enfants hypothéqué dans cette école publique à laquelle nous tenons tant.
L’écart entre pertes et profits, risques et bénéfices, est tellement disproportionné dans cette grève à laquelle appelle le syndicat qu’on est en droit de s’interroger sur les véritables motivations qui sont, de toute évidence, loin d’être strictement corporatistes.
Dans cette surenchère douteuse à la grève, les dirigeants syndicaux demandent le départ du ministre de l’Education.
Une instrumentalisation syndicalo-syndicale
Il est clair, au vu du contexte syndical qui prévaut en cette phase pré électorale de préparation au congrès de l’UGTT, prévu fin juin 2017, et des enjeux individuels et partisans qui y sont rattachés, que la grève à laquelle nous sommes sommés de répondre n’est que de l’ordre de l’instrumentalisation syndicalo-syndicale et politique des luttes des enseignants pour l’amélioration de leur situation et des conditions d’exercice de leur profession.
Il y a dans cet appel à la grève un dévoiement de nos revendications sur des chemins hasardeux qui ne mènent que certains syndicalistes à l’ambition effrénée et certains partis politiques toujours à l’affût à la réalisation de leurs objectifs et de leurs desseins personnels et leurs agendas particuliers.
Le détournement de nos luttes, devenu, dans cette surenchère douteuse à la grève, d’une évidence qui ne trompe plus personne, nous pousse à récuser le caractère irréfragable et définitif des choix, ou plutôt diktats, du bureau syndical.
Il nous paraît urgent de soumettre la décision à l’accord de la masse des intéressés ceci à travers des assemblées lycée par lycée où la grève se déciderait par vote direct au niveau de la base pour que nous cessions d’être les otages d’un bureau national dont le crédit est largement entamé.
Libres du positionnement des uns et des calculs des autres, nous serons à même de définir nos intérêts réels par nous mêmes en dehors d’une délégation du pouvoir de décision devenue confiscatoire pour que vive un syndicalisme vrai tourné vers l’intérêt objectif de ses affiliés.
* Enseignante.
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